Premières vérités sur l'œuvre de Pierre Bergounioux (étude bergounienne no 5)
(ou du poids des livres...)
Vérité no1 : Je peux tenir dix sept livres de Pierre Bergounioux dans une seule main.
2ème vérité : Il ne faut pas se fier à l'épaisseur des livres de Pierre Bergounioux Prenons par exemple ces deux livres
vus par la tranche et qui ont la même épaisseur (2,5 cm), à gauche Carnet de notes, à droite
Bréviaire de littérature à l'usage des vivants:
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Carnet de notes |
Bréviaire de littérature... |
dimensions en cm |
14,1 x 22,1 x 2,5 cm |
14,6 x 20,5 x 2,5 cm |
volume en cm3 |
779,025 cm3 |
748,25 cm3 |
poids |
635 g |
542 g |
Nombre de pages |
960 |
384 |
Prix |
35 euros |
19 euros |
Nb de pages à lire pour 1 euro |
27,42 pages |
20,21 pages |
Conclusion |
Pour un euro dépensé, on a plus à lire dans le Carnet... que dans le Bréviaire...mais,
ferons remarquer les pinailleurs, l'encombrement est supérieur (en effet pour une largeur quasi-identique à 5 mm
près, Carnet fait 1,6 cm de plus. Carnet est donc finalement à ce jour,
le livre le plus volumineux et le plus lourd de Pierre Bergounioux |
3ème vérité : Le livre le plus léger de Pierre Bergounioux s'appelle Haute tension.
il a été publié en 1996 chez William Blake & CO., le célèbre éditeur bordelais, Il pèse 52g et coûte 7,32 euros. Il s'agit en fait d'un article publié
la première fois en 1993, dans la revue Quai Voltaire, no 7, L'illisibilité.
(la revue était dirigée alors par Alain Nadaud). C'est dans le no 1 de cette revue qu'avait d'ailleurs
publié François Bon, un article sur Jean Audeau "spécialiste ignoré de Rabelais".
Il ne faut bien sûr pas assimiler le poids du livre (52g) et le poids de ce qu'il contient... Ces Huit pages sont en effet denses et aussi conséquentes que leur titre. On y trouve des phrases clés pour comprendre la vision qu'a Bergounioux de la littérature.
" La compréhension adéquate d'un évènement excède les circonstances particulières où nous le vivons."
" Nous agissons encore dans les limites auxquelles notre corps nous réduit. La situation enveloppe la
représentation." " La littérature serait l'effort pour dépasser notre dualité."
etc, etc...Citons encore une phrase (qui comme les citations précédentes est tirée du tout début du texte), bergounienne à souhait, celle de l'image sonore qui donne son titre au texte :
(note : Elle indique la littérature) :
" ...Elle tire sa force du différent que nous portons au coeur de notre être. On la décèle,
comme la haute tension, sous les pylônes, à l'espèce de crépitement qui entoure chaque mot lorsqu'il
se trouve à l'exacte intersection
des termes adverses de notre condition. Elle agit par commotion. Au moindre écart, le contact s'interrompt. "
Texte concis comme sait le faire son auteur,
qui en huit pages va nous emmener en bateau naviguer entre Kant, Corneille et
Racine, Voltaire et Boileau, Descartes, Kafka, Hegel, d'Homère à Chateaubriand, de Balzac à Zola, sans oublier
(on ne serait plus chez Bergounioux), Flaubert et Faulkner (" Faulkner dit ça à sa manière, sauvage, éclatante
et brève : "Kill your darlings." ). - Mais ça parle de quoi ? - De la lisibilité et de l'illisibilité bien sûr,
c'était le sujet du no 7 de la revue quai Voltaire, je l'ai déjà dit...
- Et alors ?
- C'est de la pure joie !
- ?
- Du concentré de Bergounioux : première phrase (j'ai déjà parlé de ses premières phrases) il affirme et dit tout :
" C'est de la dualité de notre condition que procède l'illisibilité." point à la ligne,
fin du premier paragraphe. Puis après son développement, il termine comme d'habitude, en donnant un grand coup de marteau sur l'enclume et qui t'assomme, au cas où tu te serais endormi.
- ?
- oui, après huit pages, dans le dernier paragraphe, il t'enfonce un dernier clou :
" Nous sommes vêtus de chair, pour un temps, dans un coin. Telle est la situation. "...Alors comme
d'habitude, le texte résonne encore dans ta tête quand tu vas te coucher. Vêtu de chair et dans ton coin.
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