Mercredi 13 avril 2005 | Hier | Avant hier |
" ...On dirait un chien enragé. L'estoc au poing, il court sus à la jeune femme. A genoux, happée
solidement par les mâtins, la malheureuse criait grâce. De toute sa force, le bourreau la frappe en
pleine poitrine et la traverse d'outre en outre. La victime s'écroule, face contre terre mais continue
de hurler en pleurant. Le forcené se saisit alors d'un coutelas et fend les reins. Il extrait le coeur
et les viscères avoisinants, qu'il jette aux chiens, et que ces bêtes affamées dévorent aussitôt. La
jeune femme se relève et recommence à fuir vers la mer, avec les chiens derrière elle, qui n'arrêtent
pas de la déchirer. Le cavalier saute
à nouveau sur sa monture et reprend son estoc. En peu de temps, ils furent loin, et Nastagio les perdit
de vue. " |
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Botticelli n'en rate pas une miette, et comme dans l'épisode d'hier,
décortique chaque élément de l'épisode, et assemble tous les morceaux dans la même composition : - Nastagio est horrifié - Guido (le cavalier) transperce la fille et lui arrache les reins, le cœur et les entrailles - il les donne à manger aux chiens - Tout recommence... jusqu'au vendredi suivant. |
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Il assemble le tout certes,
mais dans quelle composition !
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On remarque aussitôt que si c'est bien la même forêt,
le paysage du fond n'est plus le même : la mer est là mais
les montagnes volcaniques ont disparu,
présence d'une ville à gauche, le premier plan de la forêt a été débarrassé de ses souches, le bâton de Nastagio (?) sert à cacher les fesses de la fille (le sien n'avait pas de rameau feuillu, mais celui-ci ne peut aussi que rappeler le début de la scène dans les bois Il y a maintenant plusieurs chiens, un noir (absent hier) et le blanc qui mordait la fille, et que l'on retrouve plus tard (dans le fond du tableau, de nouveau en train de la mordre et de la poursuivre), le cheval est le même qu'hier (harnachement...) mais très noble, calme et serein, et a cette fois les pieds bien sur terre, ce qui n'était pas le cas hier, mais comme hier, même si nous ne l'avions pas signalé, et c'est d'une force tranquille incroyable dont résulte une certaine beauté, le reste du bois est calme : des biches ou des daims boivent, un autre mange des feuilles à droite. Hier on pouvait voir un mouton blanc qui broutait calmement et paisiblement le sol et en faisant attention (vers la gauche) deux petits lapins blancs qui gambadaient allègrement !)! Scènes d'horreur dans paysage et nature d'une paix totale ! Fallait le trouver. |
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Il faut que je précise que dans ma reproduction ci-dessus, (mais non ci-contre)
la forêt est tronquée
vers le haut, mais aussi bien aujourd'hui qu'hier, la forêt est haute
et on y voit très bien le faîte des arbres et leur feuillage; cette strate occupe même plus du tiers de la hauteur dans les deux tableaux! Mais dans le tableau d'aujourd'hui, juste en son milieu, toute sa force est peut-être là, quel éclair, quelle déchirure dans la voûte boisée.! Elle est bien sûr à la hauteur de toute l'horreur de cette condamnation à perpétuité et du drame qui recommence tous les vendredi. En fait, rien que dans les formes et les mouvements il est inscrit cet éternel recommencement du châtiment. On y voit bien que l'histoire tourne en rond. |
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On comprend que chez Boccace l'épisode s'intitule " la chasse infernale".
J'ai oublié de préciser deux ou trois choses : 1- Toujours dans cette idée de recommencement, Guido doit tuer la fille et l'éviscérer avec le même estoc dont il s'était servi pour se suicider. 2- Dans le texte de Boccace il est dit, c'est Guido qui parle à Nastagio, : " Tu vois que son amant est devenu son ennemi : il me faut la poursuivre autant d'années qu'elle a passé de mois à me torturer ". Donc ce n'est pas une condamnation éternelle, comme on peut le trouver dans d'autres sources. |
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Puisque la scène se répète chaque vendredi, l'idée de Nastagio
est d'inviter à ce spectacle ses amis et messire Paolo Traversari, sa femme, sa fille et toutes leurs parentes.
Son raisonnement est basé sur l'espoir que celle qu'il aime, en voyant ce spectacle horrible va changer d'avis
et lui accorder ses faveurs. Pédagogie de l'exemple si ça marchait ! Rendez-vous et invitations sont faits à l'endroit précis où se passe chaque vendredi la mise à mort de la jeune femme. Après beaucoup de mal à convaincre la miss Traversari, Diego prépare un dîner somptueux et dresse les tables sous les pins. Tout est prêt, il assoit sa bien aimée à la meilleure place pour observer le carnage. |
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Musique, vin...beau pique-nique. La mise en scène est parfaite.
Tout se déroule comme prévu. Cette fois Botticelli a relu le texte. Les deux chiens, le noir et le blanc sont là et mordent à pleines
dents les cuisses de la belle. Les deux damnés sont parfaits dans leur calvaire. Botticelli est à la hauteur de Boccace : " On avait fait circuler le dernier service, quand toute la compagnie commença d'entendre les clameurs désespérées que poussait la femme traquée. Au comble de la surprise, chacun demande ce qui en est. Personne ne sait répondre. Tous se lèvent, regardent de quoi il peut s'agir, aperçoivent la victime pleurante, les chiens, le cavalier. Quelques instants encore et les damnés se trouvent au milieu des convives. Des cris hostiles se font entendre à l'adresse des chiens et du cavalier. Plusieurs s'élancent au secours de la jeune femme. Mais le cavalier leur répète ce qu'il a déjà dit à Nastagio. Ce langage provoque un recul en même temps qu'il emplit tous les coeurs de surprise et les glace d'effroi." |
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"Parmi les dames qui se trouvaient là plusieurs étaient des cousines,
soit du cavalier, soit de l'infortunée jeune fille, et chacune d'elles versait autant
de larmes amères qu'elle en eût pleuré, victime du drame. Enfin l'exécution s'achève. La dame et le cavalier disparaissent.
Mais les spectateurs restent longtemps à tenir des propos variés sur l'évènement." |
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Effet garanti chez tous ces fantômes. On assiste à un deuxième meurtre imminent. On entend la surprise et
les commentaires grâce aux jeux de mains époustouflants que le peintre (via Nastagio) dirige. L'idée de Nastagio
était machiavélique. Nastagio, véritable chef d'orchestre, manipulateur, reflet du peintre, image de l'artiste. Quelle composition ! |
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Avec comme hier, la nature autour d'une paix et d'une immobilité fracassantes ! |
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Bon, maintenant serez-vous étonné(e)s que la fille Traversari craque devant ce cinéma ?
Elle y croit, elle a peur, elle ne veut pas qu'il lui arrive la même chose. Elle COMPREND la leçon. Le soir même elle fait savoir à son amoureux par un messager qu'elle est prête à se donner à lui. Il dit d'accord mais dans les bonnes règles et en tout honneur: elle doit d'abord se marier avec lui avant ! Affaire conclue ! C'est elle-même qui va l'annoncer à ses parents. Le mariage a lieu le dimanche d'après. C'est le 4ème et dernier épisode. |
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Demain attention la fête !
J'ai acheté le corps de ferme, à Thiron-Gardais, ce midi. Suis partagé entre le doute, la peur d'avoir fait un mauvais achat et l'excitation d'y faire mon espace. Ça m'énerve que je devienne de moins en moins sûr de moi sur ce genre de décision. J'étais plus fonceur que cela il y a quelques années et je ne me posais pas de questions. Je faisais point c'est tout. - Oui, mais c'est peut-être pour ça aussi que tu t'es si souvent planté ! |