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Dimanche 16 décembre 2007 | jour précédent | jour suivant | retour au menu |
Dans la famille Les Écrivains (de Bergounioux), je demande...
............(Les bergouniennes) William Faulkner. (bergounienne no 20) 1- "figure tutélaire" et mot de passe. Cette carte-là semble inévitable et incontournable. Même ceux qui ne lisent pas Bergounioux, ne l'ont jamais lu ou ne le liront jamais, le savent. Même ceux qui ne savent pas qu'il lui a fait écrire un livre (Jusqu'à Faulkner, Gallimard, L'un et l'Autre, 2002)(dont je lis la page 48 sur le site de...) le savent. Puisque c'est dans les journaux, encore dans le Nouvel Observateur de cette semaine. Dans un article du Magazine littéraire, d'il n'y a pas longtemps, on pouvait même comprendre que Faulkner fut un des mots de passe obligatoire lors de la rencontre Michon-Bergounioux. Tous les grands lecteurs en ont. Ils servent de signes de ralliement, de points de départ pour une éventuelle discussion, comme condition à cette éventuelle discussion. Par exemple, pour mon ami Christian D. c'est Kafka, Artaud, Benjamin. Quand Martine B. m'a dit un jour qu'elle avait tout lu Bergounioux, cela nous a évité de longues palabres inutiles avant de discuter littérature. On savait de quoi on parlait, des milliers de fantômes qui nous traversent, et lisent par dessus nos épaules, quand nous ouvrons un livre. Ce sont pour chacun de nous, les cartes que nous n'arrêterons pas de battre jusqu'à la fin de notre si courte vie de lecteur et de vie tout court. |
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2- La première fois que Faulkner est cité dans les Carnets de notes,
c'est dans le tome 1, celui qui va de 1980 à 1990, c'est page 120. On pourraît même dire ce n'est qu'à partir de la page 120.
Dans les dizaines et dizaines de livres qu'il lit, avant et qu'il cite, pas un Faulkner !Il en parle donc le 29 avril 1982 (p.120) alors qu'il termine l'Amérique de Kafka dont il vient de lire le Journal, et qu'il va enchaîner sur Le Château (Je partage cette manière-là de lire. Si un auteur me plaît, j'ai tendance à lire tout ce que je trouve de lui, ce qui m'est arrivé dernièrement avec Murakami, et qui va suivre avec les 4 Sebald qui m'attendent sur la table. les 6 ou 7 volumes de Bolaño attendront encore un peu sur les étagères...): "Je termine l'Amérique. Étrange univers sans amour ni indulgence, sans issue, aux couloirs labyrinthiques. Appartements perdus dans les hauteurs. La terre, la vie, inacessibles. Il possède au suprême degré la capacité que partage Faulkner, de rendre simultanément perceptibles la réalité, le monde objectif et la composante subjective, et leur essentielle discordance." On comprend qu'à 31 ans, Bergounioux a déjà tout lu et relu Faulkner depuis bien longtemps. 3- Le premier contact de Bergounioux avec Faulkner fut à l'âge de 13 ou 14 ans, avec Sanctuaire. Il le raconte de la fin de la page 48 (d'où mon choix de lecture) à la page 55 de Jusqu'à Faulkner déjà cité. "Il ne se souvient plus de la date exacte : " Un doute plane, en revanche, sur la saison et l'année. Ce fut soit le premier printemps soit l'automne de 1962 ou 1963."(p.49) Mais plus loin, il ajoute (p.54) : " J'aimerais bien, pourtant, que ce soit en 1962, au printemps, et non pas à l'automne ni en 1963, que j'aie porté une main innocente sur Sanctuaire avant de le repousser, révolté." 1- Pourquoi " repousser, révolté " ? Je vous le laissé découvrir. C'est central dans le livre. Lisez-le ou lisez Écrire n'est pas tout à fait tout le texte que François Bon à écrit à propos de ce livre-là. Par contre cela fait résonner en moi mon plus mauvais souvenir de lecture de la ma vie. De Septembre 1962 à juin 1963, j'étais en troisième spéciale au Collège (CEG) de Verneuil sur Avre, le spéciale indiquant que je présenterais, à la fin de l'année, le concours d'entrée à l'Ecole Normale d'Instituteurs de Chartres. Le directeur de l'époque, Monsieur Mulocheau, surnommé Jojo, m'avait forcé à lire pour améliorer ma bête noire appelée orthographe, dont un zéro à la dictée était éliminatoire. Un soir de colère (je me souviens la lumière du jour baissait déjà à quatre heures et demi), alors qu'il m'avait gardé après son cours, il avait pris dans le meuble du fond de la classe, et dont lui seul possédait la clef, un livre, il me semble au hasard, que je devais lire et résumer en détail et par écrit, sinon...il ne m'inscrirait pas au Concours. C'était Dominique d'Eugène Fromentin. Ce fut le début de semaines épouvantables, de torture et de pleurs, devant ce texte sur lequel je n'arrivais pas à me concentrer plus de cinq minutes, et auquel, bien sûr, je ne comprenais rien. Bergounien, de penser que si je n'avais pas lu ce livre, tant bien que mal, ma vie en aurait peut-être été changée du tout au tout, en ne mettant pas le pied dans ce qui déterminé toute la suite, l'Éducation Nationale. 2- pourquoi Bergounioux préférerait-il que cela se soit passé au printemps 1962 ? Parce que Faulkner était encore vivant, et qu'il mourra le 6 juillet 1962, on le sait, d'une chute de cheval. 4- Le livre Sanctuaire que Bergounioux a découvert était un livre de poche. Un samedi après-midi, abandonné sur le coin d'une table de la bibliothèque, par qui, il ne le saura jamais. Il est ancré dans sa mémoire à jamais : " C'était un ouvrage de petit format, aux angles nets, aux couleurs funèbres, déjà vieilli, flétri par l'air ancien, usé qui stagnait entre les murailles." - petit format : oui, c'était un Livre de Poche, - déjà vieilli : oui, il était sorti en 1958, avec le numéro 362-363. Il avait donc déjà 4 ou 5 ans. - couleurs funèbres : ça c'est sûr. Je ne possède que deux exemplaires de Sanctuaire, mais plus récents, dont le Folio datant de 1972, avec une illustration d'André François, à mon avis râtée voire moche. Mais heureusement, mon ami Edouard possède dans sa bibliothèque étonnante (je me souviens qu'il m'en a extrait une fois un gros vieux livre sur les étiquettes de boite à fromages !) l'exemplaire bergounien et nous permet donc de suivre la description que Bergounioux en fait: "Une dizaine de personnages, vêtus à la mode des années 30, debout, chapeautés, tenaient des verres dans leurs mains gantées de noir. J'ai reconnu la patte de Fontanarosa, à qui était confiée, à l'époque, l'illustration des couvertures du Livre de Poche. Un monstre couvert d'une robe noire, le visage voilé, coiffé de fleurs, au dos, m'a intrigué avant que je n'y reconnaisse un catafalque, portant une couronne mortuaire. Le titre, Sanctuaire, ne disait pas grand-chose. J'ai parcouru quelques pages,[...]" (p.50 et 51) 5- Lucien Fontanarosa ! Pour les gens de ma génération et celle de Bergounioux, plus jeune que moi de deux jours, ce nom a le pouvoir magique de rappeler immédiatement certains livres, grâce à des couvertures entrées depuis non seulement dans l'histoire, mais dans l' être profond et l'histoire personnelle de chacun. En effet, pour cette collection, c'est lui qui réalisa, à partir de 1953 quatre-vingt deux couvertures. En elles-mêmes, ces peintures n'étaient pas exceptionnelles, mais elles fonctionnaient à merveille pour s'imprimer sur les esprits. On peut en trouver la liste complète sur Internet (malheureusement pas illustrée de manière exhaustive). Magiques. On a beau ne pas y avoir repensé, quand on en voit une, on s'en souvient immédiatement, et elle ressurgit là de notre passé, plus présente et parlante que jamais, amenant avec elle toute une époque et nos souvenirs personnels qui s'y rapportent. Quand il a commencé ces couvertures du Livre de Poche, ce n'était pas la première fois que Lucien Fontanarosa travaillait pour Gallimard (il avait illustré deux volumes de Gide en 1948 et 51, participé aux oeuvres complètes de Saint-Exupéry en 1950, donné un portrait de Malraux en tête des Romans en 1951...), mais c'est pour ces couvertures-là qu'il restera.
Mais il s'agit là d'une autre histoire. Mon jeu des 7 familles de Bergounioux n'est pas un jeu d'argent. |