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Lundi 28 mars 2005
Il ne se passe rien dans les Évangiles le lundi de Pâques. Le seul intérêt c'est que c'est férié et que je ne travaille pas, au collège j'entends. Normalement, c'est ce jour là que les cloches passent et que les enfants cherchent les œufs, mais bon, on l'a fait hier... C'est donc juste pour se reposer du dimanche. C'est parfait et il faut en profiter, ça m'étonnerait que ça dure encore longtemps avec les pingouins qui nous dirigent.
Après le départ de Pascale et des filles pour Paris dans leur nouvelle petite voiture rouge, il y a bien sûr un drôle de silence dans la maison... J'en profite pour faire faire la page du dimanche, regarder ce qu'on fait les autres, et faire un peu de rangement.
Les journaux, revues, et les livres sont envahissants, on le sait tous. Je trie, je classe et rassemble donc tous ceux qui se sont éparpillés un peu partout, sans rien dire, sur les fauteuils, les tables, le plancher, des bouts d'étagères, et j'en trouve même, les plus mal élevés, glissés sous les meubles, vautrés par terre derrière le bureau, certains même ayant atteint la cuisine, et réussi à monter au premier étage...
Je fais des paquets, des piles : les journaux, les revues, les pages arrachées de çi de là, les livres.
Comme il m'est arrivé de me laisser influencer et d'acheter des livres conseillés par certains blogs ou sites :
(Remue.net entre autres les pages de Philippe Rahmy, Ronald Klapka, Dominique Dussidour, Dominique Hasselmann et François Bon sont toujours dangereuses...pour mes glandes salivaires et ma carte bleue, vu qu'à Nogent le Rotrou, j'achète beaucoup sur Internet)
Grapheus,
J.M.Maulpoix,
F.Bon,
Zazie Web
Poezibao...)
peut-être que je peux donner envie à quelqu'un d'acheter aussi un livre.
Parmi les trois derniers que je viens de lire d'Alberto Manguel et qui vont rejoindre aujourd'hui leurs frères du même père (Dans la forêt du miroir et Une histoire de la lecture), je vous conseille le petit dernier, paru ce mois-ci chez Actes Sud/Leméac dans la collection " Un endroit où aller". Ça s'appelle : Un amant très vétilleux.
C'est tout simplement une merveille, un bijou, une perle rare. Je ne vais pas vous en faire une critique. Ce que je vais tenter est juste...une expérience.
Je vais rien analyser, rien décortiquer. Pas de cours de français du type de ceux qui nous ont dégoûté à l'école de la poésie,(mais on a tous eu parfois des profs remarquables, comme moi la chance d'avoir eu Bruno Vercier à l'Ecole Normale de Chartres). Aucun discours, aucune grille d'analyse. Juste essayer de faire saliver sur la confiance. Prenez le risque de l'acheter et de le lire. C'est tout ce que je vous propose. De mon côté, je prends juste le risque de passer une heure à écrire en html (hope tu me liras). C'est un vrai plaisir de lecture, ça fond dans la bouche, ça fond dans la tête, ça croustille d'intelligence, d'humour, de finesse, de culture.
Ça commence à Poitiers, parce qu'un journaliste local écrit dans une revue un article sur un type qui s'appelle Anatole Vasanpeine. Ça fait pas sérieux : Va sans peine !
Quand ce type meurt, il laisse un journal écrit toute sa vie. Au départ, pourquoi je dis ça puisqu'à l'arrivée aussi, il était employé aux Bains douches de Poitiers. Le journaliste, Jean-Luc Terradillos, qui fait un article dans la revue locale stimule Manguel, enfin fixé dans le coin, et qui fait des recherches et découvre que ce type a fait des photos incroyables des visiteurs à travers les fissures des portes des cabines.
Il contacte les héritiers et lit le journal... C'est dingue ce que le type écrit en parallèle avec les photos qu'il prend !
Je parle pas de son maître japonais à Poitiers qui l'initie à la photo, de l'herbier de fou qu'il avait fait à ses profs quand il était petit etc....
Finesse, humour, écriture, style, plaisir, désir, érection, on lit ça en quarante minutes, et on recommence après avoir dit merde, j'en aurais voulu deux heures de plus. Tout est peut-être inventé, on s'en fout, c'est génial. Cherchez ce mot sur mon site ouvert depuis 5 ans...celui qui le trouve m'envoie la page.
Ah oui normalement on met au moins une citation ! Bon d'accord je fais une concession à la confiance : Si vous avez suivi, Il plaque son appareil sur la fissure de la porte (quand le type ou la fille est dans la cabine), ne vise donc pas et ne saura que le soir en rentrant chez lui ce qu'il y a de " fixé ". Il écrit alors sur le résultat. Attention aucun sexe, ce n'est pas " ça " qui l'intéresse.
Ne croyez pas que je vous ai choisi les meilleurs extraits !
Manguel est plein d'humour. Terradillos, que je connais bien, n'avait pas pu s'empêcher de traiter le monsieur de voyeur. Il faut lire la remise en place de Manguel et deux pages d'anthologie sur ce qu'est le voyeurisme (p 46 et 47)! Mais il enquête sur tout (ou invente tout). On voit comment face aux problèmes techniques, Vasanpeine avait réussi à faire augmenter l'éclairage par la Municipalité dans les cabines des Bains douches de Poitiers, à l'époque où l'électricité coûtait...la peau des fesses!
J'arrête. On ne connaît pas, à part quelques exemplaires de collectionneurs, les photos prises pendant ces dizaines d'années. Pourquoi ? Il y a une raison en effet.
Alors là, ne comptez pas sur moi pour vous la dire...Vous n'avez qu'à lire ce petit livre vraiment, vraiment...je vous laisse mettre l'adjectif, l'objectif (si les types qui sont intéressés par la photo ne lisent pas ça ...!), le qualificatif, l'adverbe, l'injure, le gros mot que vous voulez.
Bon, si il y en a qui veulent en lire deux comme ça à la suite, qu'ils achètent en même temps Chez Borges. Car Manguel tout jeune tombe sur Borges aveugle et est allé tous les soirs lui faire la lecture ou l'emmener au cinéma voir West Side Story dont il devait en chuchotant lui décrire chaque image ! sa mère (à Manguel) lui dit : tu ne te rends pas compte de qui c'est, de la chance que tu as de fréquenter et de rentrer dans l'intimité de ce type, tu devrais prendre des notes...Et lui jeune puceau, ne note rien et se marre. Sauf que aujourd'hui il nous sort les 77 pages substantifiques de cette expérience. Je vais dire un truc horrible mais je m'en fous, c'est à se rouler par terre, et une fois de plus, dès le lendemain, on le relit encore une fois en soulignant au crayon à papier une ligne sur deux.
Non, j'exagère, une ligne sur quatre.
J'ai travaillé une fois avec Actes Sud, ça ne m'a rapporté que 5 exemplaires gratuits. Ce n'est donc pas de la pub pour eux que je fais. C'est que je crois vraiment que vous allez lire ces deux petits livres et que ce sera pour vous comme pour moi, une expérience de jubilation pure.
Par contre n'achetez pas la dialectique du vent. J'étais pourtant fier du titre que j'avais trouvé. Mais je ne vois pas pourquoi ça vous intéresserait de comprendre un artiste contemporain, prof au Havre pour survivre, qui passe sa vie au Mexique à faire souffler le vent dans ses céramiques sur le terre-plein des grands sites archéologiques... Sauf si vous êtes fanatique(s) des sténopéphotographies dont il est un des grands maîtres actuels.
Étonnant les têtes de mort que fait le vent dans les arbres non ?