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ma vie dans le Perche
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Propos sur la
littérature et la peinture. |
jeudi 29 et vendredi 30 juin 2006 | jour précédent | jour suivant | retour au menu |
Cette montagne que nous devons tous gravir... avec envie de pot-au-feu... Les élèves ne viennent presque plus au collège mais il faut être là quand même pour s'occuper (surveiller) les trois ou quatre qui s'ennuient chez eux et préfèrent venir s'amuser à l'école. Je surveille la salle (appelée somptueusement foyer) où quelques filles jouent au ping pong et aux cartes. J'en profite, assis à côté d'eux, pour relire d'une traite ce livre étonnant de René Daumal : le Mont Analogue. Je m'invite à la réunion préparatoire de cette expédition. J'en sors (alors que bien sûr en réalité on n'arrive jamais au sommet...) complètement ébranlé. En rentrant le soir à Thiron, ce livre continue de résonner en moi. Doutes sur ma vie à venir. J'ai choisi un lac au pied de la montagne. Je commence à penser que ce n'était peut-être pas l'arrivée... Peut-être n'était-ce qu'un camp de base tout simplement. Décidément le définitif n'est pas dans ma nature. Mais quelles phrases étonnantes, quel humour et quelle distance... Ah ce professeur Sogol ! (anagramme de logos bien sûr...) : " Je vous dirai seulement que je me trouvais un jour seul, tout seul, avec la certitude que j'avais fini un cycle d'existence. J'avais beaucoup voyagé, étudié les sciences les plus hétéroclites, appris une dizaine de métiers. la vie me traitait un peu comme un organisme traite un corps étranger : elle cherchait visiblement ou à m'enkyster ou à m'expulser, et moi-même j'avais soif d' " autre chose ". ( p.28) " Mon fils, conclut-il, je vois qu'il y a en vous un inguérissable besoin de comprendre qui ne vous permet pas de rester plus longtemps dans cette maison. " (p.33) " Je me réadaptai peu à peu à la vie du " siècle " ; tout extérieurement, il est vrai, car, au fond, je n'arrive pas à m'accrocher à cette agitation de cage à singes qu'ils appellent la vie, avec des airs dramatiques. " (p.34). " Encore faut-il que cette brave Physique mette en oeuvre toute sa vieille astuce bretonne pour réunir sur ma table les éléments d'un repas où n'entrent ni sulfate de baryte, ni gélatine, ni acide borique, ni acide sulfureux, ni aldéhyde formique, ni autres drogues de l'industrie alimentaire contemporaine. Un bon pot-au-feu vaut tout de même mieux qu'une philosophie menteuse. " (p.35) Commencé en juillet 1939, alors qu'il venait d'apprendre qu'il était perdu (atteint d'une tuberculose inguérissable), la fin du livre n'est pas écrite mais on la devine grâce aux plans laissés. René Daumal est mort à Paris le 21 mai 1944. Il avait 36 ans. Tard le soir je me couche. Heureusement que mon frigo est vide. Je me serais bien laisser aller à La grande beuverie. |