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(Le désir, Recueil Les Pierres Précieuses) Rémy Belleau.
Né à Nogent-le-Rotrou en 1528, il traduisit, à 28 ans, les odes anacréontiques, le Cantique des cantiques et l'Ode à l'Aimée de Sappho. De fait Belleau est le premier traducteur français de la poétesse de Lesbos.
Celuy n'est pas heureux qui n'a ce qu'il desire, Mais bien-heureux celuy qui ne desire pas Ce qu'il n'a point: l'un sert de gracieux appas Pour le contentement et l'autre est un martyre. Desirer est tourment qui bruslant nous altere Et met en passion; donc ne desirer rien Hors de nostre pouvoir, vivre content du sien Ores qu'il fust petit, c'est fortune prospere. Le Desir d'en avoir pousse la nef en proye Du corsaire, des flots, des roches et des vents Le Desir importun aux petits d'estre grands, Hors du commun sentier bien souvent les dévoye. L'un poussé de l'honneur par flateuse industrie Desire ambitieux sa fortune avancer; L'autre se voyant pauvre à fin d'en amasser Trahist son Dieu, son Roy, son sang et sa patrie. L'un pippé du Desir, seulement pour l'envie Qu'il a de se gorger de quelque faux plaisir, Enfin ne gaigne rien qu'un fascheux desplaisir, Perdant son heur, son temps, et bien souvent la vie. L'un pour se faire grand et redorer l'image A sa triste fortune, espoind de ceste ardeur, Souspire apres un vent qui le plonge en erreur, Car le Desir n'est rien qu'un perilleux orage. L'autre esclave d'Amour, desirant l'avantage Qu'on espere en tirer, n'embrassant que le vent, Loyer de ses travaux, est payé bien souvent D'un refus, d'un dédain et d'un mauvais visage. L'un plein d'ambition, desireux de parestre Favori de son Roy, recherchant son bon-heur, Avançant sa fortune, avance son malheur, Pour avoir trop sondé le secret de son maistre. Desirer est un mal, qui vain nous ensorcelle; C'est heur que de jouir, et non pas d'esperer: Embrasser l'incertain, et tousjours desirer Est une passion qui nous met en cervelle. Bref le Desir n'est rien qu'ombre et que pur mensonge, Qui travaille nos sens d'un charme ambitieux, Nous déguisant le faux pour le vray, qui nos yeux Va trompant tout ainsi que l'image d'un songe.
Celuy n'est pas heureux qui n'a ce qu'il desire, Mais bien-heureux celuy qui ne desire pas Ce qu'il n'a point: l'un sert de gracieux appas Pour le contentement et l'autre est un martyre. Desirer est tourment qui bruslant nous altere Et met en passion; donc ne desirer rien Hors de nostre pouvoir, vivre content du sien Ores qu'il fust petit, c'est fortune prospere. Le Desir d'en avoir pousse la nef en proye Du corsaire, des flots, des roches et des vents Le Desir importun aux petits d'estre grands, Hors du commun sentier bien souvent les dévoye. L'un poussé de l'honneur par flateuse industrie Desire ambitieux sa fortune avancer; L'autre se voyant pauvre à fin d'en amasser Trahist son Dieu, son Roy, son sang et sa patrie. L'un pippé du Desir, seulement pour l'envie Qu'il a de se gorger de quelque faux plaisir, Enfin ne gaigne rien qu'un fascheux desplaisir, Perdant son heur, son temps, et bien souvent la vie. L'un pour se faire grand et redorer l'image A sa triste fortune, espoind de ceste ardeur, Souspire apres un vent qui le plonge en erreur, Car le Desir n'est rien qu'un perilleux orage. L'autre esclave d'Amour, desirant l'avantage Qu'on espere en tirer, n'embrassant que le vent, Loyer de ses travaux, est payé bien souvent D'un refus, d'un dédain et d'un mauvais visage. L'un plein d'ambition, desireux de parestre Favori de son Roy, recherchant son bon-heur, Avançant sa fortune, avance son malheur, Pour avoir trop sondé le secret de son maistre. Desirer est un mal, qui vain nous ensorcelle;
C'est heur que de jouir, et non pas d'esperer:
Embrasser l'incertain, et tousjours desirer
Est une passion qui nous met en cervelle.

Bref le Desir n'est rien qu'ombre et que pur mensonge, Qui travaille nos sens d'un charme ambitieux,
Nous déguisant le faux pour le vray, qui nos yeux
Va trompant tout ainsi que l'image d'un songe.
[1528] - [1577]