Troisième tour...
( 1ère ) (2ème)
Mardi 22 février 2005
Cela fait trente ans que j'essaie de lire Ulysse de James Joyce et que je n'y arrive pas. Lors de la récente nouvelle traduction (sous la direction de jacques Aubert) je me suis dit : profitons de tous les articles, émissions de France culture, analyses qui sont faits en ce moment pour faire une nouvelle tentative. Mettons tous les atouts de notre côté. Je commence donc à récolter de nombreuses études et analyses, décidé de partir d'un bon pied. J'achète le livre et commence à le lire, phrase par phrase, en surveillant le moment, le mot, la phrase, la virgule où j'allais craquer et ne plus rien comprendre, comme les fois précédentes.
Et c'est là que dès le premier jour (donc dès la première page) je suis tombé sur une tour, mais pas n'importe laquelle : une tour Martello.
La fameuse tour Martellot de James Joyce !
7ème phrase de cette œuvre unique :
" Solennel, il s'avança et grimpa sur la banquette de tir circulaire. S'étant retourné, il bénit par trois fois, grave, la tour, le pays environnant, et les montagnes en cours d'éveil."
Une page plus tard, après plusieurs allusions à une banquette de tir , :
"- Combien de temps Haines va t-il rester dans cette tour ? "
Stop, c'est pas la peine de continuer, je veux comprendre.
Recherches et résultats :
" Quand Ulysse commence, environ 6 mois plus tard, nous retrouvons Stephen à Dublin où il a été rappelé par un télégramme de son père au chevet de sa mère mourante. Il s'est installé avec son ami Buck Mulligan dans la Tour Martello de Sandycove. Les deux amis ne se ressemblent pas. Stephen se voit accusé d'avoir en lui "de la maudite essence de jésuite". "

" L'histoire se déroule le jeudi 16 juin 1904, de 8h00 du matin à 3h00 de la nuit. Le jeudi est jour de Jupiter dont un symbole est le tonnerre, que Joyce assimile à un appel divin et qui va effectivement se faire entendre aux premières heures de la nuit. La raison pour laquelle Joyce a choisi cette date du 16 juin 1904 alors qu'il n'a séjourné dans la Tour Martello qu'en septembre 1904, est évidemment liée à la personne qui a eu le plus d'influence sur sa vie et son œuvre : sa future compagne Nora Barnacle, qu'il avait abordé six jours plus tôt, le 10 juin 1904..."

" Sandycove. Ici se dresse, à 13 kilomètres au sud de Dublin par la côte, la tour trapue où débute " Ulysse ". Sûrement l'endroit où l'on sent le mieux l'incarnation du roman. L'auteur y vécut quelques jours."
Mais bon sang qu'est-ce qu'une tour Martello ?
J'abrège : Martello n'existe pas. Ce n'est pas un architecte. Aucune référence sur un homme. Mais on tombe googeliamente rapidos sur l'incontournable expression " tour Martello". Ces deux mots, je le sais maintenant sont indissociables. Martello ne peut être qu'accolé à tour.
C'est à la fois une histoire corse et une histoire anglaise.
Histoire corse, en fait l'histoire du mot Martello :
En 1794, les Anglais essayèrent d'envahir la Corse mais furent repoussés par les Français qui défendaient leur île dans une tour au cap Mortella.
Les Anglais fort impressionnés copièrent cette tour et construisirent environ 210 tours en Angleterre, au Canada, à l'île Maurice et en d'autres endroits. Le nom Mortella devint Martello.
Histoire anglaise :la construction systématique de tours pour se protéger " des ennemis" .
les Britanniques ont construit 200 tours de défense dans le monde entier. De 1810 à 1847, onze d´entre elles ont été érigées en Amérique du Nord britannique (Canada). Les plus célèbres sont celles de St Jones (1812, pour se défendre des américains), et de Carleton.
les Britanniques en ont construit 5 dans l'île Maurice. Les Tours Martello y ont été construites sous les directives des hommes du Génie Royal Britannique bien des années après l'arrivée en 1810 de l'armée britannique. La construction de ces cinq tours débuta en 1831 et fut achevée en 1834. L'objectif était de protéger l'île d'une éventuelle invasion française. Ce danger potentiel était dû au mécontentement des colons français, avec la probable abolition de l'esclavage. Mais, satisfaits de l'accord avec les Britanniques qui leur proposaient de la main d'œuvre venant de l'Inde, il n'y a pas eu de conflits. Ces tours n'ont donc jamais servi, elles rappellent néanmoins cette période de transition.
Des cinq Tours Martello construites sur l'île par les Britanniques (à Fort George, à Port Louis, deux à Grande Rivière Nord Ouest et deux à Rivière Noire: L'Harmonie et La Preneuse) seules trois ont résisté à l'épreuve du temps: La tour de La Preneuse en est la plus célèbre et la plus visitée.
Dans les Iles britanniques, elles sont nombreuses et furent toutes construites contre la menace napoléonienne.
Quelles sont donc les caractéristiques distinctives des tours Martello?

Que ce soit au Canada, en Angleterre ou à l´île Maurice, ces tours possédaient toutes des caractéristiques communes. Par exemple, elles avaient une forme circulaire et étaient surmontées d´un toit plat conçu pour servir de plateforme à de l´artillerie. Les tours étaient accessibles par une porte ménagée à l´étage, où se trouvait la caserne. Le rez-de-chaussée renfermait des entrepôts et une poudrière. Un pilier circulaire en brique soutenait le toit et le plafond voûté en brique, qui, tout comme les murs épais, devait absorber les tirs d´artillerie.
Compte tenu de ces éléments, il est facile de voir pourquoi les tours martello étaient reconnues pour leur solidité.
Le mur de devant était épais pour que les canons des attaquants ne cassent pas le mur.
La porte d'accès était à deux mètres du sol et ils montaient par une échelle. Vingt soldats pouvaient habiter dans la tour. Il y a même une cheminée pour qu'ils cuisinent.
En haut de la tour, il y a un grand canon qui peut tourner dans un cercle. Ce canon tirait contre les bateaux des attaquants jusqu'à 2km de distance ! Pour tirer avec le canon, on avait besoin de boulets, d'eau, de poudre et d'outils. Les boulets et la poudre étaient gardés en bas de la tour, dans la poudrière. Il y avait de l'eau dans le réservoir. La pluie entrait dans ce réservoir par un système de tuyaux.

Mais la tour d'Ulysse ? celle de Joyce ? Celle où il a habité ?
Elle est là, à Sandycove petite ville du bord de mer à moins de 20 minutes du centre ville de Dublin et de 5 minutes (a pied) de Dun Laoghaire, grande ville portuaire renommée pour son port de plaisance décord du premier chapître.
On a transformé la tour Mortello en musée James Joyce.(The James Joyce Museum The Joyce Tower, Sandycove, Co. Dublin. Tel: +353 1 2809265 / 8722077, Fax: +353 1 2809265.).
La tour s'appelle maintenant Joyce Tower !
" Objets à voir : une lettre de Joyce signée Stephen Dedalus datée du 3 juin 1904, la première édition d'" Ulysse ", un savon d'époque, une page manuscrite de " Finnegans Wake ", une guitare, une canne (la dernière du maestro), une cravate, un étui à cigares, une valise. Au premier étage est reconstituée la chambre ronde telle que Joyce l'a connue. Je monte par un escalier si étroit qu'on ne passerait pas un rasoir entre mes épaules et le mur. Voilà donc l'omphalos, ce centre du monde où commença le plus grand roman du XXe s."

"Joyce y a vécu six jours en septembre 1904, en compagnie d’Oliver Gogarty et de Samuel Chenevix Trench. C’est là qu’il a campé le décor de l’épisode inaugural d’«Ulysse». Cet édifice trapu abrite désormais un petit musée Joyce. Au rez-de-chaussée, passé une petite boutique où l’on vend des livres et des babioles, quelques documents sont disposés sous des vitrines, tel le premier exemplaire de l’édition d’«Ulysse». A l’étage, la chambre de Joyce y a été reconstituée, soit un simple lit et quelques petits meubles. Dans une vitrine, une canne de l’écrivain, sa guitare, un gilet sont exposés. Un minuscule escalier mène à la plate-forme de guet, balayée par le vent. De là, on peut admirer les eaux vertes de la baie de Dublin."
Voilà comment la tour Martello ne m'a pas arrêté, et que j'ai pu continuer ce premier chapitre que des experts résument ainsi :
Télémaque
Lieu : La Tour Martello à Sandycove
Heure : 8h00
Organe : (aucun organe n'est associé aux 3 premiers épisodes, consacrés à Stephen)
Art : Théologie
Couleur : Blanc, Or
Symbole : Héritier
Technique : Narration (jeune)
Au fait, j'ai oublié de vous dire : je ne me suis pas arrêté et suis allé jusqu'au bout, d'une traîte.
Je l'ai eu !
Mais ce n'est pas la première fois qu'un livre m'a offert comme un cadeau tant de résistance.
Il y avait eu la Recherche du temps perdu, Au dessous du volcan, l'Homme sans qualités ... et bien d'autres.
mais ce sont autant d'autres histoires...et d'autres tours...d'ivoire ?