Jeudi 10 février 2005 Ai fini de lire (dévorer) le dernier livre de Charles Juliet. Intéressé de voir sa vision de la Nouvelle-Zélande que je connais bien, de retrouver sa voix, sa démarche, savoir si je regrette ou pas de ne pas être allé le voir avec mon amie Anne B. (cf 8 février) Ne suis pas déçu ni enthousiasmé. Rencontres, écoute des gens, journal de bord, pour ne pas oublier, pour qu'il reste quelque chose de ces mois passés dans ce pays qui lui était totalement étranger... N'insiste pas assez à mon avis (sans doute volontairement) sur le problème et l'état de la communauté des Maoris, totalement dominés par le peuple blanc envahisseur et vainqueur, et dans un état actuel alarmant (chose bien dénoncée et décrite pas Alan Duff dans ses livres célèbres tels que L'âme des guerriers ou les âmes brisées etc.). |
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Car contrairement en Nouvelle-Calédonie,
où il n'y a pas eu de guerres franches entre les Kanak et les Français (juste quelques petites révoltes de
certains chefs, tels que Ataï),les Maoris se sont battus,
mais ont perdu. Le tout s'étant soldé par le scandaleux (la traduction qu'on leur a
faite avant de la signer, le 8 février 1840, était volontairement
erronée)traité de Waitangui. Par ce traité tous les habitants, y compris les indigènes maoris, obtenaient la citoyenneté britannique. Le pouvoir était exercé par un gouverneur nommé par la reine. Les colonisateurs s'engageaient à respecter les droits des Maoris sur leurs terres ancestrales mais ces promesses seront bafouées et il en résultera de violentes guerres. D'une manière générale Charles Juliet n'a jamais beaucoup écrit sur l'état du monde, ses tensions et ses guerres. Non pas qu'il n'y soit pas sensible, au contraire, il est capable de s'émouvoir à en pleurer devant une scène de rue, une image, un film etc. mais ce n'est pas son propos dans l'écriture ni son sujet. Dans ce livre, par bribes on retrouve la trace de son histoire et son "combat". ce sont bien sûr les phrases qui me touchent et que je prends comme miennes. Il dit exactement les choses. |
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"On noue avec certains écrivains des amitiés fortes. Des amitiés qui nous accompagnent pendant de nombreuses années, voire pendant toute notre existence.
On les a découverts à un moment où l'on avait besoin d'entendre ce qu'ils pouvaient nous dire. Parfois, alors qu'on les lisait,
certaines de leurs phrases se sont gravées en nous, et ces phrases nous servent d'appui, orientent notre réflexion, nous guident, alimentent
notre vie intérieure... Ces hommes et ces femmes qu'on ne connaîtra jamais, puisque bien souvent ils ne sont plus de ce monde, on les aime tout autant
que des êtres qui nous sont chers. Ils vivent en nous, notre part la plus intime, et il arrive fréquemment que nous nous
entretenions avec eux."( p 15). Il poursuit en disant que pour lui Katherine Mansfield est de ceux-là. Pour moi, Charles Juliet est un de ceux-là. p 30 suis content qu'il cite le métier de vivre de Pavèse. p 35 : " L'influence que peut avoir sur nous un livre qui nous ébranle, nous touche en profondeur... Par son intermédiaire, on a rencontré un inconnu dont on s'est senti proche, et à dans notre insu, cet inconnu a pris possession de nous. À tel point qu'il va pendant un long temps déterminer pour une grande part ce que l'on ressent, ce qu'on pense. Pourtant, on ne s'est pas identifié à lui, mais la rencontre a eu sur nous un tel impact, qu'il nous hante en permanence , imprime à tout instant son empreinte sur ce qu'on vit." Se rend-il compte qu'il dit à des lecteurs comme moi exactement l'expérience qu'ils ont eu avec lui ? Est-ce un hommage ou un clin d'oeil caché et complice ? p 42 : " Avoir du talent n'exclut pas qu'on puisse être creux." Ça, ça fait plaisir quand même de le voir écrit. Pour me contredire , mais c'est rare chez Juliet, p. 51 : " Mais on peut observer que lorsqu'ils causaient des milliers de morts en provoquant la chute d'un gouvernement, parfois une guerre civile comme en Grèce, puis en installant une dictature , les Américains étaient moins prompts à s'indigner que lorsqu'ils ont été frappés à leur tour." Ouf...Quand même ! (enfin ?). J'arrête là. le livre fait 201 pages. Je veux vous le laisser découvrir... |