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Il est toujours 9h30 quelque part, mais pas partout en même temps...
ou : on a tous une forêt d'automne en soi.

Jeudi 4 novembre 2010, Thiron-Gardais, 9h30.
En revenant du village acheter ma baguette quotidienne, le chemin m'oblige à l'arrêt au bord de l'étang de Sainte Anne : l'allée est tout simplement exubérante par ses couleurs, même sans le soleil qui n'a pas percé encore les nuages.
Difficile de ne pas subir un choc visuel et de ne pas déclencher d'autres souvenirs d'automne...
Est-ce un hasard ? Mais quand j'arrive chez moi j'assiste de ma pelouse à un vrai spectacle donné par un rayon de lumière dans la vallée à mes pieds.

Je pense alors deux choses :
1- pour que cela nous fasse autant d'effet nous devons tous avoir en nous une forêt en automne qui doit dater de notre enfance,
2- Qu'attendre d'autre d'une journée qui commence comme ça ?


Vendredi 20 août 2010, Ouessant, 9h30.
Nous décidons d'essayer de rester un jour de plus, le problème étant de trouver une chambre pour la nuit.
C'est la jeune femme qui ne veut pas qu'on la prenne en photo qui nous suggère d'aller voir à l'auberge de jeunesse, où elle réside, et où il lui semble qu'il reste des chambres.
L'idée est bonne car avec un papier qu'Isabelle Le Bal nous signera nous aurons en effet une chambre.
Soulagés de ce problème, et contents de pouvoir rester un jour de plus, nous pouvons traîner un peu au Salon, retrouver des amis, (où l'on peut voir que je ne bois pas toujours que du vin!), saluer Jean-Yves Cozan "le député Diwan", "l'Homme à l'écharpe blanche", ancien Président du Conseil Général, le père d'Isabelle Le Bal, fondatrice du Salon (avec Jacques Bayle, qui dirige aujourd'hui l'incontournable site Vers les îles, avec une bibliothèque virtuelle de plus de 35 800 titres!)(virtuelle peut-être mais bien réelle avec des fiches formidables...)
Après le déjeuner, malgré le vent nous prenons les vélos et partons en direction du phare du Creach.
Le rendez-vous est d'importance car cette partie de la côte est celle que je préfère, véritable décor de théâtre où on peut imaginer tous les drames possibles qui s'y sont déroulés (naufrages...) ou qui pourraient s'y passer...
Nous décidons de visiter le musée, et attachons donc nos vélos.

Dimanche, 6 juin 2010, Tripoli, 9h30.
Après un petit déjeuner copieux comme sait les faire Robert, et un dernier regard sur la ville moderne, nous nous apprêtons à prendre la route en direction de la célèbre plaine de la Bekaa.
Longtemps désertée par les touristes à cause de la guerre, parce que c'est un des bastions du Hezbollah... cette plaine n'en reste pas moins attirante à cause de la mythique Baalbeck, notre but. Mais je devine que la route sera longue et qu'il faudra d'abord franchir la chaîne du Mont-Liban.
Enfin prendre de l'altitude, ce qui me laisse espérer un peu de fraîcheur... qui sera en effet au rendez-vous quand nous arriverons dans la région de Bcharré, célèbre comme étant la ville natale du poète (que je ne prise pas à vrai dire, depuis mon séjour aux États-Unis où il était mis à toutes les sauces) je veux parler de Gibran Khalil Gibran, et de son recueil Le prophète.
Souvent comparé à William Blake ou même appelé par Alexandre Najjar le "Victor Hugo libanais", personnellement il me soûle.
Ce genre de littérature pseudo humaniste lue dans presque tous les mariages aux États-Unis me gave.
Nous passons donc sans nous arrêter ni saluer sa tombe dans le monastère de Mar Sarkis où son corps fut rapatrié après sa mort à New-York en 1931.
Mais le site de la ville et toute la vallée de la Kadisha sont magnifiques.




A partir de là nous commençons à grimper sérieusement en passant par la route dite "des cèdres". Mais quelle déception ! Des cèdres, il n'en reste vraiment plus beaucoup.
De plus, l'endroit est touristisé de la plus mauvaise manière. A fuir !
Nous n'y restons d'ailleurs que quelques instants, un peu énervés qu'un type veuille même nous faire payer le stationnement !
Quelques photos suffisent à faire comprendre la tragédie de cet arbre déjà mentionné dans la Bible et qui a quasiment disparu. Là, dans la réserve d'Arz er Rab, il n'en resterait plus que deux qui aient 3000 ans, une dizaine qui soient millénaires ...
Avant de gravir le versant Ouest de la montagne, on passe devant une station de ski en ce moment désertée mais très fréquentée pendant l'hiver, avec télésiège et remonte-pentes. Ce sont les derniers arbres que nous verrons avant longtemps.
Le paysage devient vite désertique, minéral, traversé par un vent presque glacial, et malgré le mois de juin avancé, il reste encore quelques traces de neige.
L'ambiance devient à moitié irréelle. Les vieux camions chargés qui reviennent de la fertile Bekaa n'en peuvent plus.
On se sent comme sur un fil, dans un no man's land, comme à la frontière entre la terre et le ciel. On sent qu'on ne peut rester là et qu'il va falloir redescendre.
Seules quelques plantes spécialement adaptées à ces conditions peuvent vivre là.
...
Il est 11h quand nous commençons la longue descente.
La plaine de la Bekaa est à nos pieds.