page précédente (Il y a du bon à être immobile) Vendredi 17 décembre 2010 page suivante (Y'a pas de crise) retour au menu
Thiron-Gardais, un canton d'Eure-et-Loir,
une initiative et un livre qu'il faut applaudir !

Faire des monographies sur les cantons d'Eure-et-Loir, et non pas des énièmes livres sur l'histoire de tel ou tel village (qui peuvent être certes utiles mais qui sont le plus souvent un simple travail de compilation), est une bonne idée du Conseil Général d'Eure-et-Loir.
Hier soir pour marquer la parution de la 6ème monographie de la série, consacrée au canton de Thiron-Gardais, l'invitation, quelle autre excellente idée voire originale, vous convoquait à l'imprimerie Prat située à Combres, à 5 ou 6 km de Thiron !
Quel beau lieu et cadre pour présenter un livre ! Faire rentrer les habitants dans une usine de leur région, faire corps avec son tissu industriel et économique, est une bien belle idée ! En effet, on passe chaque jour devant des lieux comme ça, sans jamais savoir comment c'est dedans, ce qu'on y fabrique, quels gens y travaillent et dans quelle ambiance... Les connaître oblige à se les approprier et les faire siens, les aimer, les défendre s'ils sont en danger.
J'aimerais bien qu'on continue l'idée et qu'on m'invite à des pots de vernissage dans une ferme, une laiterie, une porcherie, un haras, et plus...
Surtout si le maître du lieu reçoit si gentiment et agréablement comme aujourd'hui. Visiblement Pascal Floury aime faire partager et sait recevoir.


C'est un homme intelligent, ouvert et enthousiaste, très sympathique, et visiblement très dynamique.
D'ailleurs, pour porter sur ses épaules une telle image de marque et de diversité de produits il a intérêt à l'être !
Les produits au logo Prat sont connus internationalement depuis 40 ans pour être de qualité et garantis à vie contre tout défaut de fabrication.
Je suis étonné par le nombre d'ateliers, consacrés chacun à une commande, par les machines mais aussi par les nombreuses tables où l'on s'aperçoit que beaucoup d'opérations sont encore faites à la main ! Finition soignée assurée !

Pour une fois, c'était une véritable soirée conçue et préparée, en plusieurs temps, et comme telle annoncée sur l'affiche, où l'on note d'ailleurs que l'entrée était libre, ce qui changeait des invitations habituelles souvent réservées aux seuls invités triés sur le volet, toujours les mêmes, ce qui conduit au fil du temps à donner une image un peu trop élitiste de la culture, et coupée "du peuple"...
Dès l'entrée on pouvait voir le livre, le prendre dans ses mains, le consulter, le feuilleter...

On rencontre les gens qui arrivent, et beaucoup sont étonnés de la qualité du livre, de sa mise en page, des photos etc. C'est un bel objet et de plus pas si cher que ça puisqu'il est mis en vente à 10 euros. J'en achèterai plusieurs comme cadeau de Noël, pour les amis lointains mais qui connaissent Thiron-Gardais depuis leur passage à la maison !
Je rencontre aussi Yann Bonny l'éditeur du Hurloir, type sympathique avec des idées plein la tête, qui s'occupe de cette association créée en 2005, assez active dans la région, par des ateliers d'écriture, la collecte de témoignages, mémoires, et leur publication.
Autour de la table cela s'anime peu à peu et j'avoue que je ne m'attendais pas à autant de monde.
La première partie de la soirée est constituée de l'intervention de personnes ayant collaboré à l'ouvrage, pour faire comprendre son contenu, son originalité et sa spécificité et comment il s'insère dans une série plus ambitieuse, ce qui bien sûr, vu la qualité des discours donnait envie de se plonger dans le livre pour en savoir plus.

(de gauche à droite : Jean-Marc Providence, Juliette Clément, Luc Lamirault, Phyllis Yordan, Brigitte Ferret)
Jean-Marc Providence, directeur du célèbre Compa à Chartres (magnifique Conservatoire de l'agriculture, vaste musée de société qui organise expositions, rencontres, spectacles, ateliers, conférences...), mais aussi directeur de l'éducation et de la culture au Conseil général d'Eure-et-Loir, a particulièrement bien cadré ce travail et la notion de monographie dans l'ensemble du projet.

L'instant d'étude (non exhaustif) d'un territoire précis (ici le canton de Thiron-Gardais) à un moment précis, actuel, présent, à travers un regard croisé de spécialistes (historien, géographe, sociologue, ethnologue...) mais aussi des témoignages de ceux qui y habitent et/ou y travaillent, pose la question de l'identité d'un espace vivant.

L'intérêt d'un tel travail à mes yeux est qu'on s'aperçoit justement que cette identité change, évolue avec le temps et n'est pas quelque chose de figé, mais qu'elle peut aussi se construire. Les populations changent, les activités changent, la société change, ce qui explique que certains témoignages étonneront voire surprendront certains vieux thironnais. Il faut se rendre à l'évidence : Le Thiron-Gardais d'aujourd'hui n'est plus le Thiron-Gardais d'autrefois, ce qui m'est confirmé par tous les vieux habitants que je connais.
L'autre intérêt du travail est qu'il est enrichi par le regard de deux photographes talentueux (Thierry Girard et Jérôme Galland) qui, parce qu'ils sont justement venus de l'extérieur, peuvent proposer une vision plus objective et réelle du canton que l'eût été celle d'un habitant ou d'un natif. Je trouve leur idée judicieuse de s'être intéressé aux paysages plutôt qu'à leurs habitants, à ne pas faire du "joli", ni du canton une carte postale pour guide touristique.
Même si certains présents à cette soirée ont dit trouver les photos "froides" et les deux carnets photographiques manquer de portraits, on peut répondre que ce sont les lieux qui façonnent les habitants plutôt que l'inverse (ou comme on a tous observé qu'au bout d'un certain temps un nombre incroyable de personnes se mettent à ressembler à leur animal de compagnie). Il n'y a pas de gueule typique du thironnais ! Par contre oui, il y a un paysage, qui détermine une ambiance, contamine l'âme, envahit parfois le regard, sans parler de l'influence du climat dont a si bien parlé Montesquieu...
On ne choisit pas de s'installer dans un village ou une région pour ses habitants, qu'au départ on ne connaît pas et qu'on espère certes accepter autant qu'ils nous accepteront. Je pense qu'aujourd'hui les données socio-économiques, le taux de chômage, la pyramide des âges, les débouchés et l'avenir des jeunes, les possibilités de développement et l'imagination des décideurs ou autres dirigeants responsables déterminent plus une région que les individus eux-mêmes qui ne font que les subir.

La deuxième partie de la soirée fut constituée par une mise en scène associant des documents d'archives à savoir films d'époque (Thiron en 1935, Combres en 1960...)(occasion de signaler une nouvelle fois le travail remarquable organisé depuis 5 ans par le Conseil général en partenariat avec Centre Images et l'agence régionale du Centre pour le cinéma et l'audiovisuel), orgue de barbarie et lectures de témoignages présents dans le livre, par Yann Bonny et Phyllis Yordan, tous deux excellents lecteurs.

La troisième partie, vu l'heure qui avançait, fut accueillie par tous avec plaisir : buffet bien garni et mousseux à volonté (de quoi se préparer de bons petits kirs...).
En écoutant les commentaires avant le retour à la nuit noire et glacée, j'ai l'impression que la plupart des gens ont bien apprécié la soirée et qu'ils en retenaient quelque chose qui leur avait plu. Certains sont repartis avec le livre sous le bras ce qui faisait bien plaisir.
Il n'en reste pas moins que ce ne sera pas à mon avis le succès commercial de Noël. Thiron-Gardais, un canton d'Eure-et-Loir, est un beau livre mais pas tape-à-l'oeil. Il est destiné à des lecteurs qui veulent réfléchir sur leur région, et sont intéressés à comprendre comment dans un territoire donné, un paysage, une histoire, une époque révolue, se forge (ou se cherche) une identité qui doit évoluer aujourd'hui dans une modernité et un monde qui bouge de plus en plus vite.
Cette monographie sérieuse contient beaucoup de textes très intéressants qui font réfléchir (sans être didactiques ni prédire l'avenir), ce qui prouve la qualité des auteurs, du comité scientifique et celui de la rédaction dont on trouve le détail en fin d'ouvrage.
Explorant certaines pistes ou perspectives d'avenir, il a le mérite aussi de réserver de nombreuses surprises, notamment dans les témoignages recueillis, ce qui ne fait qu'augmenter le plaisir de la lecture !