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De la couleur des bleus et de son utilité... ou : mal, en-dessous. Le lendemain de son admission en urgences il s'était réveillé dans un lit quasiment immobilisé par tous les fils ou tuyaux qui arrivaient dans son corps ou en partaient. Il ne sentait pas grand chose, attribuant cette douce insensibilité à la morphine qu'on lui avait donnée à plusieurs reprises. N'osant pas trop ouvrir les yeux, son œil gauche étant tuméfié et enflé, sa vie à l'hôpital était réduite aux bruits, qui lui semblaient amplifiés d'une manière exagérée et irréelle. Il n'était qu'à l'écoute du monde, et n'entendait rien de son corps. Sois sage, Ô ma douleur, et tiens-toi plus tranquille. N'ayant jamais aimé souffrir, douillet comme pas deux, il n'en demandait pas plus, d'autant qu'il avait encore le souvenir horrible, il y avait quelques heures à peine, de la pose extrêmement douloureuse d'un drain thoracique... Quelle fut donc sa surprise, quand les infirmières vinrent pour faire sa toilette, et tirèrent le drap qui le recouvrait, de découvrir les multiples marques qui couvraient son corps. Il y en avait non seulement partout mais de toutes les formes et, ce qui le surprit surtout, de toutes les couleurs. ![]() ![]() ![]() ![]() La couleur se faisait donc révélatrice de quelque chose de caché, sans doute en partie par les médicaments, mais aussi par le manque d'utilisation de ses muscles. La couleur contenait là des informations supplémentaires sur son corps et dont il n'était pas conscient jusqu'à ce moment. ![]() ![]() ![]() Le plus étonnant à ses yeux, habitué comme tout le monde à avoir depuis l'enfance collectionné des " bleus ", fut de découvrir ce matin-là que ce qu'il aurait appelé " bleus " s'il les avaient touchés sans les voir, étaient des " jaunes " voire des " verts ". Ce vert que le poète liait à la voyelle U et qu'il associait aux vibrements divins des mers virides, à la paix des pâtis semés d'animaux, la paix des rides que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux... Ce furent ces " bleus " qui étaient verts (couleur qui en peinture lui faisait mélanger du bleu (qu'il aimait, suprême Clairon plein des strideurs étranges) et du jaune (qu'il détestait)), qui sur le moment le perturbèrent, contrairement aux infirmières qui, elles, ne s'étonnèrent que du fait qu'il prenne des photos. ![]() ![]() ![]() - Pourquoi vous photographiez tout comme ça ? ni s'empêcher de rire quand il lui répondit : - Depuis tout petit j'ai pris l'habitude de photographier le monde. ![]() Il était beaucoup plus inquiet de savoir si ces couleurs passeraient bien sur les photos qu'il prenait, se demandant ainsi une fois de plus ce que pouvait apporter la couleur en photographie, question que PdJ comme tout photographe peut se poser un jour. En ce qui le concernait, il préférait les photos en noir et blanc, et même si en effet notre machine neuronale voyait le monde en couleurs (ce qui n'est pas si fréquent que cela dans le monde vivant), il n'empêche qu'on ne les voyait pas (consciemment) souvent, et qu'en photographie, la couleur ne se justifiait (à ses yeux !) que si elle apportait des informations supplémentaires, un peu comme l'expérience qu'il venait d'avoir avec ses bleus qu'il n'avait pas vus (ni sentis avant qu'il ne les voie) et qui étaient verts. ![]() ![]() Il ne savait pas ce premier matin que les dix prochaines nuits, presqu'insomniaque, il resterait dans le noir à regarder par la fenêtre le parking désert qui lui faisait penser à un camp de concentration. Tu réclamais le Soir ; il descend ; le voici : Une atmosphère obscure enveloppe la ville, Aux uns portant la paix, aux autres le souci, ![]() ![]() ![]() Les parfums, les couleurs et les sons se répondent. |