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Jeux de mains ne sont pas forcément vilains (page dédiée à F.Bon parce qu'il a rappelé récemment qu'il ne faut pas croire ce qu'il y a dans les journaux) Continuant contre vents informatiques et marées numériques de tenir une correspondance à l'ancienne avec plusieurs personnes (écriture à la main, enveloppes et timbres achetés à la poste de Thiron-Gardais...) je viens de découvrir un nouveau carnet de 12 timbres à 68 centimes et qui reproduisent des mains dessinées par divers artistes. C'est aussi bien que l'avant dernier consacré à nos chèvres ou biquettes régionales. Pour être plus précis et rassurer les plus pessimistes quand au niveau culturel des responsables de la Poste, sachez que cette série s'insère dans un
ensemble plus vaste de carnets concernant chacun un sens (ici le toucher). Ce sens/prétexte a conduit à sélectionner 10 dessins présents dans les musées français et qui illustrent les gestes de la main. À part Picasso et Gustave Moreau, on ne peut pas dire qu'ils ont "tapé" dans des gens très connus hors des spécialistes : Alphonse Legros, Eugène Carrière, Paul Delaroche, Annibale Carrache, Federico Barocci... et trois anonymes de l'école française du XVIIè et XVIIIè siècles. Pour qui veut toujours voir les oeuvres " en vrai ", cela fait imaginer un aller et retour de 350 kilomètres allant de Paris (musée du Louvre, musée Picasso et musée Gustave Moreau)
à Abbeville (musée Boucher de Perthes pour le dessin d'Annibale Carrache). Ce dernier musée doit (ou devrait) être connu de tous les professeurs de SVT puisque sa collection de sciences naturelles contient 52000 specimens et herbiers du XVIIIe et XIXe siècles ; oiseaux, mammifères, coléoptères, œufs, poissons, coquillages, géologie et minéraux dont l’intérêt scientifique et l’état de conservation sont reconnus par le Muséum national d’Histoire naturelle.
Dans l'ouvrage célèbre, classique de tout étudiant en histoire de l'art, Vie des formes de Henri Focillon, on trouve à la fin un court texte formidable intitulé Éloge de la main (en version numérique gratuite ici). Il commence par (et c'est moi qui souligne): " J’entreprends cet éloge de la main comme on remplit un devoir d’amitié. Au moment où je commence à l’écrire, je vois les miennes qui sollicitent mon esprit, qui l’entraînent. Elles sont là, ces compagnes inlassables, qui, pendant tant d’années, ont fait leur besogne, l’une maintenant en place le papier, l’autre multipliant sur la page blanche ces petits signes pressés, sombres et actifs. Par elles l’homme prend contact avec la dureté de la pensée. Elles dégagent le bloc. Elles lui imposent une forme, un contour et, dans l’écriture même, un style. " Il se termine par : " Nerval conte l’histoire d’une main maléficiée qui, séparée de son corps, court le monde pour y faire œuvre singulière. Je ne sépare la main ni du corps ni de l’esprit. Mais entre esprit et main les relations ne sont pas aussi simples que celles d’un chef obéi et d’un docile serviteur. L’esprit fait la main, la main fait l’esprit. Le geste qui ne crée pas, le geste sans lendemain provoque et définit l’état de conscience. Le geste qui crée exerce une action continue sur la vie intérieure. La main arrache le toucher à sa passivité réceptive, elle l’organise pour l’expérience et pour l’action. Elle apprend à l’homme à posséder l’étendue, le poids, la densité, le nombre. Créant un univers inédit, elle y laisse partout son empreinte. Elle se mesure avec la matière qu’elle métamorphose, avec la forme qu’elle transfigure. Éducatrice de l’homme, elle le multiplie dans l’espace et dans le temps. " François Bon a peut-être raison quand il parle de l'écriture numérique. Peut-être qu'écrire sur un clavier pour le mettre en ligne ne conduit pas à la même chose qu'écrire avec un crayon... |