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De bonnes raisons pour aller à Rouen ce week-end là. Rouen, vendredi 17 avril 2015, François Bon photographie Pierre Michon, en super forme, lors de la "visite de la maison natale de Flaubert en compagnie de Jean Philippe Toussaint, Yvan Leclerc et quelques autres."
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Rouen, Maison de l’Université, Mont-Saint-Aignan, 15h45.
François Bon est annoncé dans le programme sous cette forme : « Mais comme nous les aimons, ces lourds matériaux que la phrase de Flaubert soulève et
laisse retomber avec le bruit
intermittent d’un excavateur »
On sait que François Bon est incapable de lire et de se tenir à des notes.Il a écrit la veille sur son site : "À la carte blanche proposée, il y avait de toute façon rendre compte en quoi le gigantesque chantier de numérisation critique lancé par Yvan Leclerc il y a bientôt 15 ans a changé notre approche et notre lecture de Flaubert, et quelle résonance dans nos propres enjeux du récit dans l’écrire numérique." Comme d'habitude il avait réfléchi avant et pris des notes ou idées , regroupées en 24 points, et que l'on peut lire intégralement et avec grand intérêt ici en ligne : « intoxication flaubertienne » (disait Marcel Proust) " Comme d'habitude François Bon s'est lancé dans une improvisation comme seul il sait les faire : enflammée, sincère, " tripale ". Mais quel hommage au travail dantesque d'Yvan Leclerc, reconnu dans le monde entier ! Samedi 18 avril 2015, 11 heures. Musée des Beaux-arts de Rouen, Exposition exceptionnelle sur la peinture des peintres siennois, intitulée : Sienne, aux origines de la Renaissance Une caverne de chefs d'oeuvres allant de la fin du XIIIe siècle à la fin du XVe siècle ! Occasion unique de les voir rassemblés ici, un véritable évènement (aucune exposition en France sur la peinture siennoise depuis 1983 au petit palais à Avignon). Pour faire court et résumer je recopie ça que je trouve très bien dit : " La rétrospective Sienne, aux origines de la Renaissance, labellisée d'intérêt national, propose de découvrir les spécificités de l’art siennois en donnant à voir des oeuvres exécutées entre la fin du XIIIe siècle et la fin du XVe siècle. Cette présentation à la fois chronologique et thématique permet de comprendre comment, grâce à l’impulsion insufflée par Duccio, des artistes majeurs comme Simone Martini et les frères Lorenzetti ont véritablement révolutionné la peinture, à l’image de leur homologue Florentin, le fameux Giotto. Introduction de la notion de perspective, sensibilité nouvelle face au monde réel, attention portée à la variété des coloris, élégance des figures, développement du paysage, humanisation des épisodes sacrés, essor d’un art civique voire identitaire et naissance du portrait sont autant de thèmes qui peuvent caractériser la peinture siennoise du XIVe siècle. " Je ne peux m'empêcher même sans commentaires de vouloir mettre l'eau à la bouche à quelques-uns de mes lecteurs, avec la Sainte Madeleine de Lippo Memmi (vers 1335/40) : Cette exposition dure jusqu'au 17 août 2015. Si vous aimez les frissons ou les émotions esthétiques vous savez où aller. Je rappelle que ce musée mérite être visité à l'année entière car posséde, entre autres chefs-d'œuvre, deux tableaux présents longuement dans ce journal et que mes lecteurs vont reconnaître : La flagellation du Christ à la colonne du Caravage et les Énervés de Jumièges d'Evariste-Vital Luminais : Rouen, Opéra, à partir de 14h : Flaubert vu par les écrivains contemporains. Pierre Bergounioux commence l'après-midi, en répondant aux questions de Matthieu Vernet qui commence par rappeler, comme pour justifier sa présence que Bergounioux
a fait en 1979 sa thèse sur Flaubert et l’autre : communication littéraire et dialectique intersubjective, sous la direction de Roland Barthes. C'était à mon avis inutile. Bergounioux dans ses
réponses est d'emblée comme toujours profond, brillant,
original (" Flaubert est le seul écrivain qui écrit pour détruire le lecteur auquel il s'adresse ") (il a employé aussi plus tard le verbe casser...)
Il a en particulier bien expliqué, sur demande, pourquoi il trouve aussi Faulkner "unique". Et c'était convainquant, même si la réponse est bien connue des lecteurs de Bergounioux. Pour la connaître lire son livre Jusqu'à Faulkner (Gallimard). Grand plaisir de le retrouver après et d'échanger nos dernières nouvelles et quelques cigarettes bien sûr !
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(en grande discussion avec une jeune universitaire de Shangaï qui a posé des questions très précises et semble passionnée par Flaubert )
Il essaie aussi pour arrêter de fumer le vapoteur (comme Michon qui en a un toujours dans la main comme on peut le voir sur une photo du haut de la page). Pierre Michon lui succède (après Annie Ernaux), après une arrivée sur le parvis de l'opéra que je trouve flamboyante avec sa fille Louise toute resplendissante de ses seize ans...
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Michon dans une forme éblouissante, qui répond très théâtralement est drôle. Il hausse la voix, fait des confidences, avec des sorties qui font plusieurs fois éclater de rire les auditeurs (
genre : oui... oui... le travail ... mais enfin... entre nous, passer des journées à faire des pages de ratures, c'est
pas difficile et c'est pas fatiguant ! ). Il va même jusqu'à nous faire partager et nous émouvoir avec son grand " faible " pour Charles Bovary et Louise Collet. Ce trio d'écrivains fut remarqué à la même époque par leur premier livre ( F.Bon en 1982 avec Sortie d'usine, Pierre Bergounioux en 1984 avec Catherine ainsi que Pierre Michon avec Les vies minuscules. (le premier chez Minuit, les deux autres chez Gallimard). Ils se connaissent donc depuis longtemps. Ils continuent chacun leur travail et leur oeuvre selon leur propre chemin et avec chacun leur voix personnelle et originale. Ils se rencontrent aujourd'hui de temps en temps au fil de leur activité littéraire. Mais ils ont encore aujourd'hui tous les trois un point commun : leur intérêt sincère, une connaissance, une admiration et un respect pour Flaubert (chacun sait ce qu'il lui doit) très communatif et je n'ai pas peur de le dire : jouissif pour celui qui les écoute. Il faisait un temps splendide dehors. Béatrice et moi avons pu vérifier combien Rouen est vivante et agréable à vivre et nous range Thiron-Gardais ou Chartres dans les endroits morts. Pensée peut-être injuste et influencée par le vin blanc car bien sûr tout cela s'est terminé sur une terrasse de café ensoleillée. |