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À chacun sa croix ou : de Cimabue à Francis Bacon. Vu le grand nombre de croix rencontrées dans les musées ou dans les églises à Florence et à Arezzo (petite ville située à 77 km au sud est de Florence)
j'ai dû faire un effort pour me rendre simple une histoire compliquée (la représentation du Christ en croix, en particulier ici des christ en croix peints).
1- C'est la croix latine, celle devenue aujourd'hui symbole du christianisme. C'est la croix christique ou croix de la Passion, celle qui représente la crucifixion de Jésus-Christ. On peut la définir comme étant une croix dont la branche inférieure est plus longue que les autres. Elle ne fut pas toujours ce symbole. Au début dans les églises on représentait le christ sous forme de poisson. La croix ne devint le principal emblême ou symbole de la chrétienté qu'entre le IIè siècle (simple croix de bois) et le IVè siècle. (On comprend qu'on a pu trouver au départ que pour faire du prosélitisme il y avait plus attirant que l'image d'un crucifiement, châtiment épouvantable !) 2- Elle n'est pas à confondre avec des variantes comme la croix grecque, la croix orthodoxe (dite aussi byzantine) ni la croix patriarcale ! 3- le vocabulaire est étendu et spécialisé. La barre transversale où sont les bras est le patibulum, le poteau vertical est le stipe, au-dessus du patibulum c'est le titulus La croix latine résulterait d'une erreur : si on croit en l'histoire du Christ, il a sans doute été crucifié comme le faisaient les romains à cette époque à savoir sur une potence en forme de T (Tau). Le titulus c'est le petit écriteau rajouté au-dessus de la tête (où les romains inscrivaient le crime de la victime, et où Ponce Pilate aurait fait écrire en latin, hébreu et grec : Jésus le Nazaréen, roi des juifs, qu'on transforma plus tard en initiales I.N.R.I , le I et le J en latin étant la même lettre. 4- La forme de ces crucifix peints est plus ou moins simple ou compliquée par l'ajout de panneaux peints appelés tabellones qu'on peut trouver sur les flancs du christ et à toutes les extrémités de la croix, où sont peintes des scènes ou figures complémentaires, ou des motifs géométriques. 5- On trouve trois sortes de représentations du Christ : - Christ triomphant, Christus triumphans : il est vivant, détaché des souffrances, souvent la tête relevée et tournée vers le ciel, les yeux ouverts, le corps droit... - Christ résigné, Christus patiens : il est mort, face tournée, yeux fermés, corps affaissé, plaies saignantes aux mains, aux pieds et sur les flancs... - Christ souffrant, Christus dolens : il est vivant, la tête baissée sur l'épaule, les yeux fermés (ou absents ou même énucléés), avec marques de douleur et plaies saignantes, corps tordu, déhanché, arqué dans un spasme de douleur, subissant son poids terrestre, avec souvent la trace de ses muscles et côtes. C'est le plus " humain " bien sûr. Florence, 4 mai 2015, basilique Santa Maria Novella, 13h46. Ma première croix à Florence, inoubliable. Peinte par Giotto peinte vers 1290.
Arezzo, 6 mai 2015, Pieve di Santi Maria, 11h06. Crucifix de Margarito ou Margaritone Aretino, maître d'Arezzo, né en 1220 mort en 1290. Il s'agit là d'un Christ triomphant : Arezzo, 6 mai 2015, église San Domenico, 12h14. Crucifix de Cimabue peint entre 1265 et 1268.
C'est un pur chef d'oeuvre.
Les yeux sont fermés, la bouche incurvée vers le bas... Les tabellone montrent à gauche Marie qui pleure, à droite Jean qui pleure, signes d'une modernité face à la tradition byzantine.
Arezzo, 6 mai 2015, basilique San Francesco, 14h07. Crucifix du Maestro di San Francesco.
Je terminerai cette page par un crucifix spécial. Florence, 7 mai 2015, sacristie de église de Santa Croce, 14h34. Il s'agit encore d'un crucifix de grande taille (4,48 m sur 3,90 m)de Cimabue, peint vers 1280, très endommagé lors des inondations de Florence en 1966, et qui n'a été restauré que partiellement en 1975. Dans les Entretiens avec Michel Archimbaud, en octobre 1991, Francis Bacon parle de cette crucifixion:
Nous avons vu à Florence et Arezzo d'autres crucifixions toutes aussi intéressantes mais j'espère simplement donner envie d'aller les voir. Cet intérêt pour les crucifixions venant d'un athée comme je le suis peut sembler surprenant mais cela ne l'est pas, ayant le même point de vue que Philippe Dagen : " Une Crucifixion, c’est un corps crucifié, simplement. Autrement dit, de la souffrance, des douleurs, l’acharnement des bourreaux, la veulerie des spectateurs, la lâcheté de ceux qui « laissent faire » et la jouissance de ceux qui pensent que « c’est bien fait ». Une Crucifixion, c’est le spectacle de la mort publique, telle que, de nos jours, elle s’exhibe au moyen de la photographie et de la télévision. " J'ajouterai : et d'Internet. |