Des objets dont on doit se séparer
ou dans les méandres de ma vie.
Ils seront donc là samedi soir à Rémalard,
sous la lumière mais abandonnés,
eux qui vivaient avec moi depuis dix, vingt ans voire plus longtemps,
inquiets avant de commencer, après celle de leurs origines, et la nôtre, leur troisième histoire .
Je vivais avec eux, ils vivaient avec moi, au hasard de mes déménagements autour du monde,
de leur voisinage sur un mur ou une étagère, car je ne m'en séparais jamais.
Dans la nuit je les entendais parfois
s'apostropher se raconter leurs histoires.
Ça commençait toujours par d'où tu es ?
J'entendais Sénégal, Portugal, Bénin, Papouasie Nouvelle-Guinée, îles Tonga, Australie, Timor, Wallis,
Nouvelle-Calédonie, Côte d'Ivoire…
et souvent s'ajoutaient des noms de villages, de rivières, de tribus : Sépik, Nokuma, Kéram, Kambot, Kanganaman,
Asmat, Papunya, Yoruba, et d'autres que je ne comprenais pas ou imprononçables...
Ils enchaînaient toujours par qui es-tu ? J'apprenais qu'il faut de tout pour faire un monde,
qu'il faut défendre la diversité, toutes les diversités.
Je suis un masque Guélédé, un tapa, un bambou gravé, une poupée Mendi, un bouclier, un étui pénien,
un masque baba, un masque tago, une statue faîtière, une planche gope…
Parfois j'entendais plus : je jetais des sorts, je scellais des alliances, j'apportais les bonnes récoltes,
je transportais l'âme des morts, je faisais tomber la pluie, je réglais des conflits, je mettais un peu d'ordre
dans la société, je racontais des rêves, je cachais le sexe, je protégeais la poitrine, je faisais la guerre,
je décorais les maisons, je punissais l'infidèle…
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