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Mardi 12 Juin 2007 | jour précédent | jour suivant | retour au menu |
Un de mes fantasmes Être gardien de phare. (no 5 : Les trois livres que Jean-Pierre Abraham avait avec lui dans le phare d'Armen) 1- Vermeer Dans son livre Armen, la première fois que J P Abraham fait allusion à un livre, c'est pour parler de Vermeer. On est à la page 21, mais qui est la 13ème du livre (Éditions Le Tout sur le Tout, 1988): "J'ai gardé trois livres après tant d'années. L'Album Vermeer. La jeune Fille au Turban. J'ai piqué cette reproduction au mur de bien des chambres déjà. Pas ici. Je n'ose même pas la regarder, elle me regarde trop." C'est déjà bizarre : il emmène avec lui un tableau qu'il ne peut pas regarder ! Certes ce n'est pas n'importe quel tableau. Peter Weber en a fait un film d'une heure quarante, Tracy Chevalier lui a consacré son deuxième roman (édité à La Table Ronde/Quai Voltaire, 2000)...André Malraux le qualifie de " galet translucide ", d'autres soulignent son " fond de néant ", tout le monde s'accorde à témoigner de ce regard qui vous suit, même sorti du Mauritshuis, et qui par analogie fait surnommer le tableau " La Joconde du Nord "... Mais Abraham nous surprend : Si quelqu'un attendait de moi un signe, je ne saurais pas. Pourquoi ce livre ? À chaque descente j'espère le laisser à terre. Je le remonte. Il est trop grand, trop encombrant. Une tache d'huile s'étale sur sa couverture blanche. Une fois je l'ai oublié là-haut à la fin de mon quart à minuit. Je m'en suis aperçu alors que Martin montait déjà dans l'escalier. J'ai couru comme un fou vers la chambre de veille, sans sabots, j'ai eu le temps de redescendre dans la salle des machines et je me suis accroupi avec le bouquin derrière un moteur pour laisser Martin passer." Vous voulez savoir les deux autres qu'il a avec lui dans le phare ? Il le précise aussitôt : 2- La plus grande aventure du monde. Un autre album, moins grand. Des images d'un monastère cistécien, que je ne connaîtrai sans doute jamais. Pendant des nuits je m'y suis enfoncé, j'ai marché jusqu'à entendre des bruits de pas sur les dalles, j'ai marché dans le cloître de clarté en clarté, dans le dortoir aux fenêtres basses, dans l'église à l'heures des Vigiles. La plus grande aventure du monde." Ce que ne sait pas Jean-Pierre Abraham, c'est que ce monastère il le connaîtra plus tard et y passera une semaine, pour faire une autre expérience d'isolement. Il s'agit de l'Abbaye Notre-Dame du Port-Salut, à Entrammes, au Sud de Laval en Mayenne. Oui, celle dont les trappistes ont inventé le fromage du même nom (marque déposée en 1874, et vu son succès vendue en 1959 à la Société Anonyme "les fermiers réunis", qui continue à exploiter la marque). Aujourd'hui ils ne fabriquent plus de fromage, mais par contre ont un atelier de reliure en cuir auquel vous pouvez envoyer vos livres...Ils font une étude et un devis... Jean-Pierre Abraham passa une semaine isolé dans cette abbaye et en fit un récit de 160 pages (Port-du-Salut)publié au temps qu'il fait en 1999, soit 32 ans après la publication d'Armen ! Il ne pouvait donc pas savoir en effet, quand il était dans le phare d'Armen, qu'il ferait cette expérience ! " Seule vieille image pour aujourd'hui. J'ai raté Vigiles évidemment. Dors encore, mais dépêche-toi.» " Je suis là pour me taire (...) fasciné par un ordre immuable, me pencher au bord du gouffre, écouter un silence de plusieurs siècles." (lire une fois de plus l'article de Philippe Savary paru dans le no 26 du Matricule des Anges, et même les premières pages...) 3- Et le troisième ? Il n'en donne même pas le titre. Trop important pour lui pour commenter. Il dit juste : " le troisième livre : des poèmes de Pierre Reverdy. " Il va à la ligne, et conclue : " Je connais ces livres par coeur. je n'en ai pas besoin. je ne puis les quitter. Comme s'il fallait passer par eux pour déboucher sur cette véritable solitude, de laquelle il n'y a rien à dire. Dans la journée ils sont bouclés dans ma valise en bois." C'est bien Abraham : pas de fioritures. En 4 phrases tout est dit. On a compris. On est d'accord. |