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vendredi 16 février 2007 | jour précédent | jour suivant | retour au menu |
Trugarez ou: histoires d'amitié pour Jacques. 1-C'est en 1930 que Henry Miller a décidé de venir en France et de se consacrer à la littérature. 2- C'est le début de 10 années de galères, de misères mais aussi de joyeux excès qu'il raconta mieux que personne au fil de ses livres. |
3-Dès l'automne 1931, à la Villa Seurat de Montparnasse, il écrit ce livre inoubliable
qu'est Tropique du cancer et qui sera publié trois ans plus tard, en 1934 à Paris, par Jack Kahane qui
avait fondé dès 1929
Obelisk Press. Pour la petite histoire, c'est le fils de kahane, Maurice Girodias, alors âgé de 15 ans qui dessine le crabe sur la couverture. Cette couverture est historique, recherchée par les collectionneurs. |
4-Jack Kahane : saluons au passage cet homme extraordinaire qui publia 64 livres de 1929 à sa mort en 1939, qui n'avait peur ni du sulfureux ni des procès, et qui fit découvrir, vous m'excuserez du peu, non seulement Henry Miller, mais Anaïs Nin, James Joyce, Lawrence Durrell... Travail continué par son fils Maurice Girodias, qui fonda en 1953 Olympia Press, et fut le premier à publier Lolita de Nabokov, Histoire d'O en anglais, le Festin nu de Burroughs ...Père et fils étant aussi sulfureux, aventuriers, kamikazes, découvreurs, l'un que l'autre, des éditeurs comme on n'en verra plus maintenant...) (lire tout de suite, ne serait-ce que une journée sur la terre pour se faire une idée de ce qu'étaient ces éditeurs-là et cette époque-là...) |
5- Je reviens à Henry Miller (qui ne retournera aux États-Unis que 10 ans plus tard, en 1940, à Big Sur, sans savoir
bien sûr que c'est là, qu' on y disperserait ses cendres en 1980) qui rencontre Blaise Cendrars,
" une fameuse nuit de 1934 chez un marchand de vin à Montparnasse ". C'est la naissance d'une amitié comme on les aime et qui est accessible grâce à la correspondance qui s'en suivit jusqu'à la fin de leur vie. (publiée en 1995 chez Denoël, comme d'habitude sous l'oeil dédié de Miriam Cendrars). 1934 : Cendrars a 47 ans. Il est connu. Il a déjà publié La Prose du transsibérien et de la petite Jehanne de France(1913), L'or (1925), Moravagine (1926), Rhum (1930) ... 1934 : Miller a 43 ans. Il est inconnu. Il vient de publier donc Chez Obeslisk Tropique du cancer (sans doute avec l'intervention d'Anaïs Nin auprès de Kahane, le livre est préfacé par elle). |
De vrais copains ! Cendrars publie, été 1935, ce qui est le premier article paru en France - et sans doute dans la presse mondiale - consacré à Henry Miller. C'est dans la revue Orbes (2ème série, no 4), qui paraissait par intermittence, sous le titre : Un américain nous est né HENRY MILLER auteur de " tropic of Cancer " (The Obelisk Press, Paris, 1934) Cendrars n'a pas attendu longtemps : l'article est daté du 1er janvier 1935. L'article est assez court, mais historique, et donne une furieuse envie de se précipiter chez le libraire (si on peut lire l'anglais bien sûr): |
Tropique du Cancer ne paraîtra en français qu'en 1945 chez Denoël traduit par Paul Rivert. J'en ai une édition de 1967, avec une assez longue préface de Henri Fluchère intitulée : " le lyrisme de Henry Miller ". Il marque mon arrivée à la fac de Rouen Mont-Saint-Aignan, et le début de ma période Miller où j'ai dévoré et acheté tout ce que je pouvais et qui me vaut les 14 Miller qui sont encore sur mes étagères aujourd'hui, avec de nombreuses éditions originales comme par exemple celle de Sexus de chez Buchet-Chastel de 1968 (gros livre couverture jaune...) |
Mais l'ouvrage qui m'émeut le plus est celui
où Henry Miller renvoie l'ascenseur à Cendrars (on connaît aussi tous les efforts de Miller à faire connaître et traduire Cendrars aux États-Unis). Il s'appelle tout simplement Blaise Cendrars. Une cinquantaine de pages numérotées en chiffres romains bleus, où Miller décortique l'oeuvre de Cendrars, où elle en est à ce moment-là bien sûr, et qui vous donne envie de lire Cendrars aussi fort que Cendrars avait donné envie de lire Miller. Un chef d'oeuvre de défense et illustration d'un auteur. Miller reprend un par un toutes les critiques faites à Cendrars et les démonte en un tour de main (ou de passe-passe). Un texte avec du souffle, des délires, une érudition folle et étourdissante, et les coups de gueule aussi chers qu'habituels chez Miller Il y a un côté " touche pas à mon pote sinon tu vas avoir affaire avec moi." J'adore cela, bien sûr. L'amitié, la fidélité... Pas touche je vous dis ! Miller est un fort en gueule, mais qui a des arguments ! Il reprend les points et à un et vous finissez Nullité cultivée au slogan imbécile à vous convulser en de permanentes coliques . 1951 ? Rien à voir avec certains blogs stalkeriens ou certains pseudos de chez Berlol, où manquent trop souvent la classe et l'humour, et qui frisent parfois, on se demande pourquoi, la haine. |
L'amitié ne peut s'alimenter sans humour, seule condition de la vérité. Miller envoie ses livres de Big Sur à Cendrars ?(qui habite à ce moment-là Villefranche-sur-Mer (au domaine de Saint-Segond) Cendrars les refuse : " " Le chef de gare m'avise qu'il est arrivé un colis d'Amérique. Comme il y avait 2 000 et quelques francs de douane, je lui ai dit de renvoyer le colis à l'expéditeur. Je suppose que ce sont vos disques! Excusez-moi, mais à ce prix-là, je préfère une bouteille de whisky! " Miller publie la Crucifixion en rose ? Cendrars lui répond : " " Ces livres sont sans poésie!" Miller a plein d'emmerdes avec les éditeurs pour publier Cendrars aux USA ? Cendrars lui répond : " Ça se fera un jour! " |
Cet ouvrage rare aujourd'hui, je ne sais pourquoi, il me semble qu'on me l'a offert. Un ami forcément. Mais qui ? J'ai téléphoné ce matin aux trois personnes qui étaient susceptibles de me l'offrir, pour me faire plaisir, à cette époque là : à Bueil (dans l'Orne), à Montpellier (dans l'Hérault) et à Caveirac (dans le Gard) : aucune des trois ne se souvient me l'avoir offert. Est-ce encore une fois de plus ma mémoire qui me fait tout inventer ? Pourtant la trace est là, que je viens de poser sur mon bureau, et que je viens de photographier pour la montrer à tous ceux qui sont en train de me lire. Je me souviens aussi, concernant Cendrars, qu'une des premières fois où j'ai rencontré Bastian au Fonchain, je lui ai offert (et je ne l'ai donc plus, mais tellement content de savoir qu'il est en de bonnes mains) le tome I (qui était le seul à lui manquer et qu'il n'arrivait pas à trouver) de l'édition des Œuvres complètes parues que Denoël à commencé de publier à partir de 1960. je tiens à la main le tome II (qui comporte La fin du monde, L'Eubage, L'or, Moravagine et les Petits contes négres). Ce tome commence donc par La fin d'un monde filmée par l'Ange N.D et par la préface citée par Grapheus Tis, et qui est sous titrée ici PRO DOMO. Grosse couverture verte avec jacquette transparente...Émotion certaine, et surprise inattendue sur la première page blanche. J'y ai écrit au crayon à papier : " offert pour mes 20 ans par Line ". Plus exactement il y avait d'abord écrit Axel, mais qui est recouvert une croix et remplacé par Line. Blanc total et coup de tonnerre dans la tête. Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? 20 ans, c'est donc en 1969. J'étais bien à la fac de Rouen, et j'avais rencontré Paule. Axel est mon ami d'enfance de Verneuil. Il venait parfois nous voir à Rouen. C'est d'ailleurs, avec Daniel B. et Edouard F. un des trois seuls témoins et invités à notre mariage (Rouen,1973,le matin de notre départ à San Francisco). Pourquoi ai-je barré d'une croix le nom d'Axel ? Qui est Line ? Est-ce possible d'avoir oublié tant de choses à ce point ? J'ai beau me dire, depuis 10 ans au moins, qu'il faudrait marquer à chaque fois, où et quand j'ai acheté le livre, sa provenance... (de même que donner des indications au dos des photos tirées sur papier), je ne le fais que très très rarement. Et pour une fois que je l'avais fait, je ne me souviens plus de qui c'était ! Axel à Paris ne répond pas au téléphone. Je resterai donc sans savoir qui était Line. Mais je suis sûr que cela a forcément rapport avec l'amitié ou l'amour. |