lundi 26 décembre 2005 dernière page Avant dernière page
Journée suite de suites.
- courrier en retard
- lecture de blogs en retard
- réponse aux voeux reçus
- courses indispensables avant l'arrivée de mes filles : spaghettis, yaourts, lait, jus de fruits, frites, saucisses de Strasbourg, le minimum du survie pour le père célibataire, de quoi faire hurler mon diététicien d'ami, le grand docteur Milvoy, en mission évangélique en ce moment à Saint Pierre et Miquelon.
- arrivée de mes filles d'Angers où elles ont passé Noël, empressées de me montrer ce qu'avait apporté le Père Noël (en plus de leurs chambres remodelées avec nouveaux meubles à Villeparisis). Je suis content qu'il ait apporté beaucoup de livres, un peu moins de tous les Cd ou DVD à lecture plus facile...
- repas au Poséidon, seul lieu ouvert ce lundi soir dans le coin et qui ne nécessitait pas de reprendre la voiture. Il fait très froid dehors.
- début du bazar dans mon bureau,
- début de la guerre d'occupation des écrans. Trois devant les quatre, ça fait aussi un problème de chaises... Je capitule ce soir et me réfugie sur un fauteuil.
- mais tout le monde sera couché avant minuit.
J'aimerais bien écrire comme ça quand je suis en colère :
1 - comme L L de Mars à Nicolas Seydoux :
"Monsieur Seydoux,
J’ai eu le déplaisir de vous entendre sur France Culture le 29 novembre 2005 étaler votre inaptitude arrogante à propos du projet de loi DADVSI ; par charité, je passerai sous silence les détails de votre vertigineuse inculture numérique (ah, le passage sur la bande passante pour nous fourguer un avenir improbable de compatibilité, un poème en hommage à la confusion...) pour me consacrer ici à un domaine sur lequel je suis plus inquiet encore qu’on vous laisse la parole avec autant de complaisance, à savoir la production des oeuvres d’art.
Vous êtes prétendument bienveillant — ce que, pour ma part, je ne crois pas — mais en tout cas rigoureusement incompétent pour ce qui est d’établir ce qui ressortirait, ou pas, au domaine de l’art. Non seulement les critères économiques que vous brandissez sont une insulte à tous les artistes qui, depuis la scission de la production artistique avec le pouvoir exclusif des commanditaires, ont produit des oeuvres sans l’argent ni la complicité des parasites de votre espèce, mais vous êtes un menteur en vassalisant toutes les formes d’art à la seule qui vous concerne vaguement (je parle du profit qu’on peut en tirer, pas de la jouissance à voir Roublev), le cinéma, en feignant de croire que leur genèse à toutes est placée sous les mêmes contraintes économiques (une petite lecture du désormais classique « La jouissance-cinéma » de Claudine Eizykman serait bienvenue, je pense) ; hé bien non seulement il est possible de faire de l’excellent cinéma dans un garage sans aucun producteur dans les environs (vous ferai-je l’offense d’une petite filmographie sur un sujet que vous prétendez connaître ?), mais l’intégralité des oeuvres composant ce qu’on appelle l’histoire de la littérature peut se produire avec un stylo à bille ; si vous me répondiez que pour produire des livres il faut du pognon, vous retomberiez dans les mêmes ornières navrantes qui vous font croire que ce n’est pas Hitchcock qui fait des films mais le producteur de Hitchcock. Pouvez-vous comprendre cette nuance ? Si vous ne le pouvez pas, cessez de parler au nom d’une partie de la population dont vous ignorez tout, à savoir les artistes. Que certains soient assez crédules pour vous écouter (vous écouter dire, par exemple « Je représente les auteurs »), arrivistes pour vous suivre ou menteurs pour s’enrichir en votre compagnie ne vous autorise pas à nous entraîner tous sans notre consentement sous votre bannière tape-à-l’oeil et de mauvais goût...
"
la suite et la fin (la formule de politesse est irrésistible) chez L L de mars ou cher Philippe de Jonckheere dans son désordre du 18 décembre.
2- Comme M. Laurent Lafforgue, mathématicien français, professeur permanent à l'Institut des Hautes Etudes Scientifiques (IHES), Médaille Fields 2002, membre de l'Académie des Sciences, qui a donné sa démission du Haut Conseil de l'Education (HCE), après que cette démission lui ait été demandée.
Faut dire qu'il avait envoyé au directeur de ce Haut Conseil une lettre formidable qui commençait comme ça :
" Monsieur le Président du HCE,
Je vous remercie de votre message ci-dessous qui nous donne l'ordre du jour de la prochaine réunion.
Je ne peux m'empêcher de réagir sur certains points qui me plongent dans le désespoir.

Le principal est le suivant:
- appel aux experts de l'Education nationale : Inspections générales et directions de l'administration centrale, en particulier direction de l'évaluation et de la prospective et direction de l'enseignement scolaire,

Pour moi, c'est exactement comme si nous étions un "Haut Conseil des Droits de l'Homme" et si nous envisagions de faire appel aux Khmers rouges pour constituer un groupe d'experts pour la promotion des Droits Humains.

Je m'explique: depuis un an et demi que j'ai commencé à m'intéresser sérieusement à l'état de l'éducation dans notre pays - en lisant tous les livres de témoignage d'instituteurs et de professeurs que j'ai pu trouver, en recueillant systématiquement tous les témoignages oraux ou écrits d'enseignants avec qui je peux être en contact, en interrogeant moi-même des jeunes pour jauger ce qu'ils savent ou ne savent pas - je suis arrivé à la conclusion que notre système éducatif public est en voie de destruction totale.

Cette destruction est le résultat de toutes les politiques et de toutes les réformes menées par tous les gouvernements depuis la fin des années 60. Ces politiques ont été voulues, approuvées, menées et imposées par toutes les instances dirigeantes de l'Éducation Nationale, c'est-à-dire en particulier: les fameux experts de l'Education Nationale, les corps d'Inspecteurs (recrutés parmi les enseignants les plus dociles et les plus soumis aux dogmes officiels), les directions des administrations centrales (dont la DEP et la DESCO), les directions et corps de formateurs des IUFM peuplés des fameux didacticiens et autres spécialistes des soi-disant "sciences de l'éducation", la majorité des experts des commissions de programmes, bref l'ensemble de la Nomenklatura de l'Education Nationale. Ces politiques ont été inspirées à tous ces gens par une idéologie qui consiste à ne plus accorder de valeur au savoir et qui mêle la volonté de faire jouer à l'école en priorité d'autres rôles que l'instruction et la transmission du savoir, la croyance imposée à des théories pédagogiques délirantes, le mépris des choses simples, le mépris des apprentissages fondamentaux, le refus des enseignements construits, explicites et progressifs, le mépris des connaissances de base couplé à l'apprentissage imposé de contenus fumeux et démesurément ambitieux, la doctrine de l'élève "au centre du système" et qui doit "construire lui-même ses savoirs". Cette idéologie s'est emparée également des instances dirigeantes des syndicats majoritaires, au premier rang desquels le SGEN.

Tous ces gens n'ont aujourd'hui qu'un but: dégager leur responsabilité et donc masquer par tous les moyens la réalité du désastre.

J'avoue ne pas savoir s'ils étaient de bonne foi ou bien s'ils ont délibérément organisé la destruction de l'Ecole.

Je ne sais pas non plus lesquels parmi eux - une minorité de toute façon - n'ont pas participé à la folie collective ni lesquels y ont participé mais se rendent compte aujourd'hui des conséquences dramatiques des erreurs accumulées depuis des décennies et seraient prêts à repartir dans une meilleure direction. A priori, j'ai la plus extrême défiance envers tous les membres de la Nomenklatura de l'Education Nationale.

Pour se rendre compte de la réalité de la situation où nous sommes...
"
La suite est aussi tonique et très instructive. Pour savoir l'état où en en est dans cette Éducation nationale... Avec quelques révélations gratinées. Pour ceux que ça intéresse, on peut trouver (et télécharger) toute la lettre ici. On comprendra que l'Inspection Générale soit furieuse. Une pétition circule pour que Chirac refuse sa démission.
Quel plaisir de lire des textes sans langue de bois !