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Mercredi 31 janvier 2007 | jour précédent | jour suivant | retour au menu |
Au bord de l'indigestion... pour répondre à certains lecteurs... et parler une dernière fois des blogs. - En écrivant cette 694ème page de ce journal mis en ligne (depuis le lundi 1er novembre 2004), et sachant qu'il ne m'en reste que 15 à écrire,(départ annoncé), - venant de compter qu'il y a 107 blogs dans "mes favoris ", ce qui représente, vus les liens conseillés de chaque, au bas mots au moins dix fois plus de blogs visités... - et sachant qu'il en existe 65 millions dans le monde dont 3 millions en France (cf les réparties de Lisbeth) Je pense aujourd'hui que : 1- Ce que je pense des blogs, blocs-notes ou autres journaux mis en ligne n'a aucune importance ni influence, et que leurs auteurs n'en ont rien à faire... 2- On peut dire n'importe quoi sur les blogs, c'est vrai et c'est faux, puisqu'on trouve de tout sur les blogs, à boire, à manger, à rire, à pleurer, à penser, à vomir, à retenir, à fuir...les pires conneries comme les plus belles déclarations...(mais statistiquement je trouve l'ensemble de mauvaise qualité et peu intéressant, sauf comme documents sociologiques, psychanalytiques, tout ce qu'on veut...et la misère de l'homme)(je parle d'une manière statistique et selon mon jugement personnel car il y a aussi bien sûr des blogs qui me plaisent et m'intéressent beaucoup.) 3- Ceux qui défendent ou sont séduits par les blogs n'ont en tête que ce qu'ils y ont trouvé à leur goût, ceux qui les critiquent n'ont en tête que ce qu'il y ont vu de détestable ou misérable. La réalité est que chaque camp a ses problèmes. 4- Ceux qui les défendent disent à ceux qui les attaquent : tu parles de ce que tu ne connais pas, tu n'as pas tout vu, tu n'es pas forcé de les lire...(et se sentent attaqués ou remis en cause s'ils en tiennent un). 5- ceux qui les attaquent disent à ceux qui les défendent : le même genre d'arguments. 6- Débat au combien stérile puisqu'il est de toute façon, vu le nombre, humainement impossible de tous les consulter, ne serait-ce qu'une fois (le genre de calculs : à raison d'un par minute, 24h sur 24, il faudrait....siècles pour le faire). Cela n'empêche pas que ce n'est pas parce qu'on n'a pas lu tous les livres, vu tous les films, goûté tous les plats, qu'on ne peut pas avoir ou se faire son avis sur la littérature, le cinéma ou la gastronomie! En ce qui concernent les auteurs de blogs, blocs-notes ou journaux, je pense que : 1- Ils sont forcément représentatifs de la population des internautes. Il y a donc toutes les sortes de gens, de tout âge, de tout sexe, de tous les niveaux social, économique et tendances politiques. 2- Un miroir de plus donc, mais au tain particulier. (Étant quand même plutôt de bon tain en ce moment) On n'y a donc pas plus souvent de bonnes (ou de mauvaises) surprises que dans la vie réelle avec les gens autour de soi. Le virtuel est fabriqué avec du réel. Il y a toujours un homme derrière l'écran ou la belle image (page), même si c'est essentiellement écrit. 3- L'énorme anonymat qui y règne me gêne. (La blogosphère, contrairement à son apparente visibilité et lisibilité, est un lieu où la plupart des gens se cachent). Ne pas savoir qui parle, quel corps, quel visage, quel sexe, quel âge, quelle origine, quel parcours se cachent derrière me gêne. Cela m'a fait beaucoup perdre du temps à répondre à certains courriers et entamer des débats voués à l'échec, dès le départ, sans que je le sache bien sûr. (je ne vais pas convaincre, par exemple suite à un mail agressif reçu, un jeune du Front National sur certaines de mes positions et combats). 4- La plupart des blogueurs sont susceptibles (Dans la blogosphère on passe vite pour un con pour l'autre.) Ils réagissent vivement aux critiques qu'on leur laisse en commentaires ou par mail. Ils passent vite à l'injure ou à un espèce de dédain hautain et condescendant, décevant et frustrant pour ne pas dire énervant. On se demande pourquoi ils attendent et lisent les commentaires. En fait c'est surtout pour permettre aux amis de vous dire qu'ils vous ont lu, de vous défendre ou de vous faire "coucou") À moins encore que le succès d'un blog ne se mesure au nombre de réponses ou à l'étalement de ce spectacle affligeant, de gens qui s'insultent avec un déploiement de savoirs-faire dans l'intolérance, aussi renouvelé que surprenant. Le système des amis (liens amis...) est un vaste réseau de copinage, avec tous les jeux et travers que cela suppose et permet. Mais cela nuit en la sincérité des propos ou avis donnés et diminue leur crédibilité. 5- Je pense que la plupart se foutent de leurs lecteurs. Les blogs sont comme des bouteilles lancées à la mer. Ils n'ont pas vraiment envie de discuter ou d'échanger. On le voit nettement chez ceux qui ne prennent pas la peine de vous répondre, ne serait-ce qu'une fois, quand ce qu'ils ont écrit vous a touché, ou ceux qui se posent un problème et qui vous envoient balader dès que vous leur envoyez une proposition de réponse ou de discussion. 6- On sait toujours très vite pourquoi quelqu'un fait un blog, même si l'auteur semble l'ignorer. Soit il le dit assez vite (je m'emmerde, je passe le temps, j'ai envie de rencontrer des gens, de discuter, j'ai envie de rencontrer des gens intéressés par tel ou tel thème ou sujet...ou il l'annonce même dès la première page, dans un sous titre ou une sorte de déclaration d'intention) soit il le cache et là, en général cela se gâche très vite... Il n'y a pas besoin d'être diplômé de chez Lacan ou de chez Polytechnique : ça se voit gros comme les yeux au milieu de la figure. On tombe sur des problèmes d'égo, de narcissisme, un besoin de reconnaissance, de se faire connaître, de mal-être, de mal-vivre, de se faire passer et de se convaincre qu'on est un artiste (quel mal ont fait cette satanée carte-mère et ce disque dur bourrés de tous les logiciels possibles, qui non seulement enrichissent les gros manitous de l'informatique, mais vous font croire que vous êtes photographe, écrivain, cinéaste, vidéaste, graphiste ou je ne sais quoi encore !). Ah le Web Art ! (une fois de plus, tout dépend de ce qu'on appelle Art bien sûr !). 7- La blogosphère a du faire perdre beaucoup d'argent aux psys, vu que c'est moins cher et que ça se fait chez soi, et à l'heure qu'on veut. Je balance mon truc (une séance= une page, une photo,un lien), pardon , je mets en ligne (il s'agit bien de lancer son hameçon, d'aller à la pêche en quelque sorte) , et tu écoutes, et sans rien dire s'il te plaît ! Le fric est simplement passé de la poche du psy aux hébergeurs, fabricants de cartes-mères, microprocesseurs, antivirus et autres anti-spams...et à actualiser sans cesse... Mon problème est que je n'ai pas envie d'être utilisé comme psychanalyste. Je ne sais pas le faire, je n'aime pas ça, je n'y crois plus, ça ne m'intéresse plus. Je ne fais même plus partie d'un parti ou syndicat (ce qui ne fut pas toujours le cas : PS et SNES) (mais je continue de faire grève, quand je pense qu'elle est utile ou qu'il faut quand même "qu'ils sachent", et d'aller voter(vécu trop longtemps dans des pays où ce droit était interdit, et trop de gens s'étant battus et se battant encore pour l'obtenir). 8- Warhol l'a dit. Internet l'a fait ! Les blogs permettent d'espérer secrètement la prophétie d'Andy Warhol ("Dans le futur, tout le monde sera célèbre pendant un quart d'heure") la blogosphère est wharolienne par essence :"Dans le monde d'Andy Warhol, tout est fiction, création, mise en scène de soi et du monde." Chère Véronique P. c'est cela qui m'a fait employer le mot de bouillasse, pour désigner l'amalgame de ce tout et n'importe quoi avec l'Art. Mais que d' artistes (ou prétendus tels par eux-mêmes), refusés des circuits normaux ou officiels (éditeurs, galeries, publications, expositions) trouvent dans les blogs la façade médiatique qui leur a été refusée ! Au lieu de gueuler systématiquement contre les éditeurs ou galeristes, ils feraient mieux de se poser la question du pourquoi ils ont été refusés, et peut-être de bosser encore plus fort...! À chaque fois que j'ai soumis quelque chose (cela remonte à plus de dix ans) et qu'on m'a envoyé une lettre de refus, ma première réaction a été de me demander pourquoi ils trouvaient que cela n'était pas bon, et de me dire que je devais sans doute bosser encore plus et recommencer. L'expérience m'a montré la plupart du temps (avec le temps) qu'ils avaient raison : 10 ans plus tard, je trouve que ce qui m'a été refusé n'était pas bon en effet. La blogosphère, de nombreuses fois, m'est apparue perverse. J'ai beaucoup aimé leur fréquentation Surtout celle des plus sympas, utiles ou intéressants, sont ceux qui ne sont pas centripètes, tournés invariablement sur eux-mêmes, mais les centrifuges, ouverts et tournés sur l'extérieur, ceux qui qui essaient de lancer des passerelles, d'établir des liens (de centres d'intérêts communs le plus souvent), de partager ce qui peut l'être, ceux qui fédèrent, relient, cherchent à réunir. Faibles figures de résistances noyées dans une blogosphère trop éclatée. Je pense que son succès et sa mode ne sont que momentanés et qu'ils portent sa perte à moyen terme. Quelque chose d'autre la remplacera un jour. De toute façon, quand les 6 milliards d'individus feront chacun leur blog quotidien, on reviendra au point zéro. Nous sommes dans la période transitoire d'une illusion technologique. Il faudra bien revenir à la nature un jour et laisser nos machines et nos écrans. Mais au bout du compte aujourd'hui À y avoir passé beaucoup de temps et d'heures, presque chaque jour, on finit par se demander quel est le vain espoir qui anime les blogueurs que je vois de plus en plus comme des victimes du mythe du progrès et de la technologie capitaliste. Vain espoir d'une fausse libération et d'une fausse communication dans ce qui n'est qu'un vaste buvard d'où s'évaporera l'encre de ces milliards de mots destinés à disparaître dans les poubelles du disque dur de Big brother. Je n'ai pas le temps d'entrer dans les détails, mais la blogosphère m'apparaît parfois aussi comme le lieu d'une certaine perte d'humanité, d'un durcissement de l'espèce, un nouvel opium du peuple, et qui faut le dire, rapporte déjà aux grands manitous du numérique, les milliards escomptés. Une manière de fuir la réalité, en en causant, c'est facile avec les logiciels et outils mis à la disposition du public. J'entends quelque part ce dialogue : - D'où vient ce silence ? Que font nos gens en ce moment ? - Ils sont sur leur blog, Maître. - Bien...Pourvu qu'ils y restent et continuent d'y rêver. Pendant ce temps là, on peut continuer de faire la guerre. Quand je pense que Walter Benjamin avait déjà tout compris sur le fantasme du Progrès et de la technologie et à quoi il conduirait ! Retour à Angelus novus de Paul Klee, image de l'ange déchu pour Walter Benjamin : |
Mais il me faut arrêter. - Au bout de deux ans et demi je sais que je peux faire une page par jour. - Je sais, pour ceux qui continuent ou ont commencé il y a plus longtemps encore, ce que cela représente, de temps de travail, de doutes, de questions, de remises en cause, de persévérance, de discipline, voire même d'entêtement. - Je sais que je pourrais continuer comme ça jusqu'à la fin de mes jours. Car c'est aussi facile... - Mais je sais aussi les effets pervers : comme le fait une drogue avec son accoutumance et sa tolérance : qu'on en arrive à ne plus vivre que pour faire des photos, collecter des documents " pour la page quotidienne", qu'on en attend forcément quelque chose, que savoir que quelques heures après des centaines de gens liront ce que vous écrivez change tout (même si certains ne veulent pas le reconnaître ou pire ne s'en aperçoivent pas), que les lecteurs vous lisent aussi avec leurs propres raisons ou motivations et qui n'ont rien à voir avec les vôtres, que cette promiscuité est aussi fausse puisque l'on reste seul quand même dans son garage, son atelier ou son bureau, avec sa machine, qu'on en arrive à ne plus être dans la réalité mais dans la fabrication forcenée de sa page sur sa satanée machine qui devient votre maîtresse, allant même jusqu'à la préférer et délaisser ou négliger ceux qui vous entourent, qu'on en arrive à vivre pour manger et non plus manger pour vivre. - Vu mon âge, mon état physique, et les questionnements variés qui m'occupent ou me préoccupent, mes enjeux, qui sont les miens bien sûr, ne peuvent plus se jouer dans ce champ-là. On pourrait dire vulgairement que " ce n'est plus mon truc " et que cela va me sembler maintenant du temps de perdu. Et comme je n'ai plus aucune velléité, de prétendre à quoi que ce soit, espoir ni envie me faire reconnaître comme je ne sais quoi ou qui (ce qui m'aurait plu certes, il y a une vingtaine d'années, où j'avais la prétention de me croire et me dire un artiste) (et que de toute façon, je mets aujourd'hui la notion d'artiste plus dans une manière d'être et de vivre au monde, que dans la proposition d'objets fabriqués ou proposés dans un système marchand lui-même corrompu et corrupteur) je préfère travailler et passer de mon temps à autre chose. Retrouver une liberté perdue. Pratiquer plutôt que discourir sur...faire plutôt que prétendre. Être plutôt qu'avoir. Bricoler plutôt que de "faire de l'Art "... Comme rester debout, pouvoir me regarder sans avoir honte, pouvoir attendre ma fin dans le silence et l'amour du monde. Coller au plus près de la réalité banale et imbécile. Voilà pour les lecteurs qui m'ont posé des questions, quelques réponses. Je sais que nous resterons, avec ceux qui le veulent, en contact, à nous voir pour certains que je connais ou d'autres dont la rencontre est promise (question d'emploi du temps et de géographie), que je continuerai à lire quelques-uns de vos blogs pour ceux qui en tiennent et qui me plaisent...Car vous l'avez bien compris, je ne suis pas "contre les blogs ". Il m'apparaît simplement que mon travail doit se déplacer ailleurs. |