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Assis près d'une jeune fille muette,
ou : l'écriture des pierres.

Voyage mercredi dernier à Chauvigny dans la cité médiévale où travaille tout l'été, dans une auberge, ma grande fille Élise. Il a plu, il fait gris et j'aime : moins de touristes que l'année dernière et pas de chaleur écrasante.
En attendant qu'Élise ait une courte pose, je la regarde travailler, servir les touristes, habillée comme une servante du Moyen-Age. J'espère dans quelques années, quand elle aura fini son master que ce sera un bon souvenir. Elle est sérieuse comme un pape et je l'aime sans rien dire.
Ses soeurs jouent avec la statue, et l'affût des chats qui traînent sur la place pour essayer de les caresser.
Mon livre est resté dans la voiture. J'ai comme toujours du mal à rester à ne rien faire. Et pourtant, que cela fait du bien aussi.
Comme un indien dans le désert, j'envoie avec ma fumée de cigarette un sms.

Jeudi 3 juin 2010, 13h40, Byblos.
Du petit port on atteint la ville antique par une petite ruelle qui monte. J'ai soif et faim, mais je décide de visiter, impatient les ruines, sachant que ce serait le seul site au monde dont l'histoire a gardé des traces de 7000 ans d'histoire, de l'époque néolithique à nos jours, en passant par les périodes égyptiennes et phéniciennes, perse, romaine, puis celles des Croisés, des Mamelouks, des Ottomans...
L'entrée du site est épouvantable de par les touristes, les cartes postales et de vrais faux souks complètement merdiques.
Photos de même nature pour rester calme.
Heureusement le site est grand et presque vide à cette heure.
J'ai marché pendant deux heures, j'ai pris un peu plus de quatre cent photos. Peu importe.
Tout est dans les livres et sur Internet. Il y a des gens qui ont passé leur vie à étudier Byblos.
Il faisait chaud et je devais m'arrêter et souffler de temps en temps. Mais j'ai pris mon temps.
J'étais bien.
Pour dire vrai, c'est le château des Croisés qui me fascinait et m'attirait avant tout, et qui domine d'ailleurs le site, le truc carré en bas au milieu sur le plan.
Et c'est bien ce qui me fascina : que les Croisés, n'hésitèrent pas à construire avec ce qu'ils trouvèrent sur place en 1108, sans complexe ni remords : le donjon avec des blocs récupérés dans les ruines perses et romaines, le mur d'enceinte avec les colonnes du voisinage !
Quel culot, finalement, de vrais artistes ! Comme une langue de pierre utilisant toutes les langues précédentes. Belle leçon d'écriture !
J'ai bien aimé aussi la forteresse perse (partie bleue à gauche du plan), construite au IVè siècle avant J.C. Vertige des dates et du temps ! Avoir pris soin de mettre ce lion dans la corniche me semble insensé. Et pourtant des milliers d'années après, il est encore là à nous regarder...

Très impressionné aussi par la source et le puits, centre de la ville (et du plan donc) depuis son origine néolithique, sauvegardée et aménagée selon les époques et pendant des milliers d'années. Source de vie et alimentant aussi bien les corps que les âmes.
Pas question de tout passer en revue.
Et difficile d'oublier longtemps le Liban d'aujourd'hui ! Malheur à celui qui relève la tête dans une autre direction que celle de la mer !
sans parler du côté de chez les Perses !
Je ne le savais pas encore, mais cela me semblera général partout au Liban.
Visiblement on ne sait pas ce qu'est l'urbanisme. On construit ce qu'on veut, où on veut, sans tenir compte de ce qu'il y a autour.
- Allez chauffeur ! On rentre à Beyrouth !
Si j'ai bien compris les explications de mon frère, cette photo prouve, venant du Nord de Beyrouth, que nous sommes bien dans une zone chrétienne !

Chauvigny 19h15.
Décidemment la sculpture a attiré toute la journée les enfants.
Je me demande à quoi sert de voyager. J'ai déjà oublié toutes les communautés catholiques du Liban. Je ne me souviens juste qu'il y en a au moins une dizaine et que la majorité est maronite.