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Avant d'aller à Ouessant ou : sur la route du Conquet. ou : on ne s'ennuie pas dans un bar... Je ne compte pas arrêter ce journal mais je ne peux le faire comme je veux que quand je suis chez moi tranquille, souvent la nuit. Parce que les choses importantes sont relativement simples, la vie est parfois compliquée. Le corps qui se tient debout et se déplace porte avec lui dans sa tête toute son histoire et celle du monde, comme un bruit de fond, que l'on entend mieux seul certaines nuits comme le bruit d'une vague qui inlassablement vient se fracasser sur le même rocher.
Samedi 14 août 2010, Le Chêne-Chenu, 12h34. Phyllis fait visiter sa maison magnifique à Micheline. Je vois que tout de suite elles entrent dans de longues discussions, ce qui me ravit d'avoir été l'entremetteur de cette rencontre. Micheline ne sait pas qui est Phyllis Y. à part le fait qu'elle est l'amie de Jean-Christophe qu'elle connaît et que je
l'aime beaucoup.
Elle ne sait pas non plus que la vie de Phyllis mériterait à elle seule un gros livre qui commencerait sans doute lors
des pogroms russes qui firent naître
son père à Chicago, jusqu'à aujourd"hui où elle vit dans un coin perdu d'Eure et Loir.
Le repas fut nourri des anecdotes et de la mémoire phénoménale de Micheline sur Thiron-Gardais. Elle connaît les généalogies, les alliances, les mésalliances, et même
les enfants du curé (paix à son âme). Jean-Christophe, Phyllis et moi sommes aux anges.
Lundi 16 août, Ouistreham, 23h52. Dernier verre sur une terrasse près de la mer. Nous devons partir demain matin pour le Conquet pour prendre le bateau après-demain pour Ouessant
où je veux assister au Salon du livre insulaire.
Beaucoup de kilomètres en perspective mais j'aime ça. Regarder le paysage défiler à travers le pare-brise comme sur un écran
de cinéma
, écouter de la musique, parler ou discuter comme en "voix off". Et puis l'occasion aussi de somnoler ou de laisser place au silence, parfois la seule parade au
bruit de fond neuronal... Je pense aussi à Michel Piccoli qui dans un film dit : "On ne s'ennuie pas dans un bar. C'est pas comme dans les églises où on est seul avec son âme." Mardi 17 août 2010, Dinan, 13h34. Fasciné au restaurant par deux voisines obèses. Je ne me suis jamais moqué, même petit, des gens obèses. Au contraire, ai toujours senti combien ce corps-là devait être encombrant, cacher une multitude de non-dits, même acceptés ou plus ou moins bien vécus. J'essaie de joindre Philippe B. qui je sais est dans un village voisin et qui attend la mort de son père, au stade terminal de la maladie d'Alzheimer. Par sms, il me signale que chaque jour les médecins sont étonnés que ce ne soit pas le bon. Le bon jour ! Pour qui ? Ceux qui restent où celui qui meurt ? Et quel sera, pour chacun de nous, le bon jour ? Mardi 17 août 2010, abbaye de Daoulas, 17h10. C'est Anne Bihan qui a nous a conseillé cette visite à cause d'une exposition formidable qui s'y tient sur l'art aborigène mis face à l'art inuit (Grand Nord Grand Sud, exposition ouverte jusqu'au 28 novembre). Mais le haut du village et l'abbaye à eux seuls valent le voyage. Je ne peux m'empêcher de remarquer, ce n'est pas la première fois, que les oeuvres récentes moins traditionnelles mais plus modernes, de ces deux communautés, sont à mes yeux moins intéressantes, moins originales, plus faibles dans leur contemporanéité.
Mardi 17 août 2010, Le Conquet, 21h10. .
Nous nous sommes pressés un peu pour ne pas arriver trop tard au Conquet, espérant trouver encore une place dans un hôtel et un restaurant. Peine perdue quand nous y arriverons. En attendant le deuxième service, nous pourrons quand même dîner convenablement Après avoir assisté à un magnifique coucher de soleil sur le port, nous allons dormir dans la voiture sur le parking de la gare maritime
d'où nous devons partir le lendemain très tôt.
Mais si Sandrine dormira comme un loir, j'aurai un sommeil agité, quelque part inquiet de retrouver Ouessant
et son Salon du livre insulaire, où je ne suis jamais retourné depuis 2002, invité alors, suite à mon prix obtenu l'année précédente, avec d'autres écrivains de Nouvelle Calédonie.
Il est toujours risqué de retourner où il s'est déjà passé quelque chose dans sa vie. Vers trois heures du matin j'assiste au départ en mer des pêcheurs. |