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page précédente (on dit que les jours rallongent) | Lundi 13 juin 2011 | page suivante (Nervermore) | retour au menu |
Choix difficile. Quand on se sent seul un jour de fête. Il y avait à la Loupe le groupe Elmer foot beat ("Et merde, foutre, bite") qui venait faire son numéro, chanter Daniela, Couroucoucou Roploplo
et autres succès (Les filles c'est fait pour faire l'amour,
Les pyramides du slip et Mes Burnes comptent pas pour des prunes), ce qui offrait peut-être l'occasion rare de voir une foule eurélienne en délire.
Je me souvenais vaguement de ce groupe qui avait eu un certain succès à une époque où je n'étais pas en France mais dont j'avais entendu parler comme "humoristique et égrillard". Vu ma solitude j'étais tenté. Mais je savais aussi que ça risquait de m'entraîner vers une déception littéraire, sentimentale et affective, tout en accentuant mon penchant suicidaire. Avec un bon copain, ou une bonne copine, je n'aurais peut-être pas dit non, mais seul, moi qui déjà n'aime pas la foule... je me suis dit que ce n'était pas sérieux. Vu les démons qui m'agitaient j'ai donc préféré d'aller voir dans le coin, un indien naturalisé anglais qui paraît-il s'amusait avec des ballons et avait fait un truc de 100 mètres de long, 72 mètres de large et 33 mètres de haut, qui pesait 10 tonnes et qu'il appelait Leviathan. Après avoir passé par un tourniquet, là je fus carrément "scotché". J'avais bien vu sur l'affiche que les femmes enceintes, les personnes sujettes à certains problèmes respiratoires ou cardiovasculaires devaient réfléchir, mais comme 70% des gens, en entrant dans le monstre, j'ai laissé échapper un "Whaaa..." de surprise. Perte des mots, vertige, pas de repères, ni rien sur quoi s'appuyer. Impossible de tout appréhender en un seul coup d'oeil. Après le temps d'arrêt à l'entrée,
on se met à marcher, doucement.
Certains s'assoient par terre, et lèvent la tête.
Ce que j'avais pris pour des cercles étaient des ouvertures vers d'autres espaces,
ce que j'avais pris pour des décorations sur les parois n'étaient que des ombres de la verrière...Il m'a fallu un temps pour me faire à cet espace-là.
C'était très calme mais aussi inquiétant, surpris que ma mémoire et mon corps fussent autant dépaysés en un seul instant.
Grotte, ventre, utérus (j'avais lu "ça" quelque part) ? impossible de choisir une réponse. Silence intérieur.
Finalement aussi, il m'arrive donc de temps en temps à faire de bons choix !
Ce rouge, cette obscurité, ce noir, ce sourd... Quelque chose du sang, de la chair, du corps, viscéral, malgré moi...apaisant et terrible en même temps, ça alors ! Pour une fois que je n'avais plus de mots dans la tête et qu'il n'en sortait plus ! Et aussi : ce rapport bizarre avec les gens dans cet espace-là : sorte de ralenti d'un film d'anticipation ou de science-fiction. Au coeur d'un Jules Verne ? Tous émus visiblement et muets. Ici les enfants ne criaient plus, ne s'impatientaient plus, ne couraient plus, c'est dire ! Pas envie d'en dire plus ou d'analyser. Juste témoigner. Ajouter encore qu'on n'en ressort pas indemne. Pendant quelque temps, encore, les échelles sont perturbées. L'homme a retrouvé sa place, à la fois minimale mais grande, comme de nouveau à sa juste dimension dans la nature, dans une oeuvre qui ne fait que lui rappeler finalement, preuves en présence, sa vraie dimension, physique et spirituelle dans un monde sans tangible réalité. |