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Mourir sur le coup est facile survivre est plus difficile... Ils étaient rentrés calmement après avoir passé l'après-midi en banlieue parisienne
à récupérer certaines affaires du grand-père mort il y a quelques mois. Des bricoles, mais auxquelles S. sa compagne tenait affectivement ou pour les souvenirs qui y étaient attachés. Entre autre, un petit train extraordinaire, qu'ancien ingénieur de chez IBM,
il avait mis des années à perfectionner et à fignoler, jusqu'aux moindres herbes et arbres du décor. ![]() ![]() Quand il s'était réveillé quelques secondes plus tard, il n'avait eu le temps que de demander à son amie, qui semblait miraculeusement indemne à côté de lui, de détacher sa ceinture, avant de retomber aussitôt, c'était la saison, dans les pommes. Quand il s'était de nouveau réveillé, il se souvenait vaguement d'avoir apostrophé un type à mobylette pour qu'il vienne l'aider à sortir, ce qui n'avait eu pour résultat que de le faire fuir, d'avoir demandé à sa compagne qui téléphonait au bord de la route et répêtait désespérément " on est où ? on est où ici ? ", d'éteindre les flammes qui léchaient le fourgon, s'apercevant qu'après un tonneau il avait coupé une ligne électrique de 20.000 volts. Avant de retomber pour il ne savait combien de temps, comme rassuré, dans le coma et peut-être même mourir avait-il pensé, fatigué. C'est d'ailleurs le doute horrible qu'avait dû vivre sa compagne lors de cet évanouissement-là, puisqu'il n'avait pas réagi ni à ses claques ni à ses appels... ![]() Il entendait des bruits secs et sourds en même temps de pinces, de craquements. Il n'avait mal nulle part. - Qu'est-ce qui est arrivé ? Le pompier chuchota : " c'est une vieille dame, elle ne s'est pas arrêtée au stop! " - Où est ma compagne ? Pourquoi n'est-elle pas là ? Si elle est morte, faut me le dire tout de suite ... Le pompier précisa calmement : " Non elle n'est pas morte, elle va bien , elle est là-bas... Elle remplit des papiers..." Il se demandait si c'était vrai ou pas, et s' " ils " ne cherchaient pas à le ménager... En attendant il se disait qu'il était à la place du mort, sans réaliser qu'il n'était pas pour autant mort, juste saignant, étourdi, d'un calme olympien, respirant doucement en espérant que son coeur ne lâche pas. ![]() ![]() Dans le choc il avait néanmoins perdu ses lunettes et sa montre. Il ne voyait plus rien, gardait les yeux fermés, et ne savait plus se situer dans le temps. Plus tard, devant la carcasse que les assurances appellent une épave, il se demanderait comment son amie et lui avaient pu tenir dans un tel espace sans être écrasés. Un peu comme on peut se demander comment dans un tel monde on peut résister et rester debout. ![]() - Ah bon ? Pompier c'est bien, pourquoi vouloir devenir gendarme ? et avait ajouté quelques secondes plus tard : - Je ne comprends pas pourquoi " ils " ont refusé que sa copine monte avec lui... ![]() Elle avait parlé de côtes cassées et d'un décollement des poumons. Il pensa que c'était bizarre, car il n'avait mal nulle part, et qu'il lui semblait respirer normalement. Mais qu'importe, il saurait bien plus tard. Il pensa par contre que c'était dommage qu'il n'ait plus ses lunettes, car il ne pourrait pas lire et qu'il devrait donc en trouver une paire le plus vite possible. Comment les choses se passent dans la tête et dans notre vie est souvent incompréhensible. Il pensa que les trois prochains livres qu'il devait lire étaient Oedipe sur la route de Henry Bauchau, Exit de Philip Roth et La vérité sur Marie de Jean-Philippe Toussaint. Au même instant il n'imagina pas une seconde combien il allait souffrir pendant qu'il les lirait. |