Dans L'incendie du Hilton il brûle aussi le tableau d'un inconnu.
ou : un tableau en allume toujours un autre.
Dans une note (p.153) du carnet (qui constitue le chapitre XV de son livre) François Bon écrit : " En littérature, ce beau titre ayant initié
toute une série de livres partant à la quête d'une toile,
plus que de l'évènement qu'elle représente : Le Grand Incendie de Londres."
Si on y réfléchit, et qu'on ne la considère pas comme une simple note balancée en vitesse, du genre pense-bête,le genre de phrases que tout
écrivain prend en vitesse, sur ce qu'il a sous la main pour la noter,
ne pas l'oublier, pour y réfléchir plus tard, la creuser, puisque sur le moment elle semble appeler ou contenir "quelque chose " ,
cette phrase est mystérieuse.
Car on peut se demander à quoi ou à qui F.Bon fait allusion comme livres ou/donc comme auteurs,
et si la toile est celle si célèbre (mais sans grand intérêt) du peintre inconnu qui sert toujours d'illustration à chaque fois qu'on évoque cet incendie,
ou si c'est pour François Bon la toile vide, la page blanche, que tout créateur doit affronter avant de s'y brûler.
La toile dont il parle est-elle finalement une allégorie de l'oeuvre, la toile étant " plus que l'évènement qu'elle représente " ?
Et puis de quel " beau titre " parle-t-il : celui du projet qui est en train de germer en lui et qui ne s'appelait pas encore l'incendie du Hilton
(à la dernière page du carnet, c'est-à-dire aussi celle du livre (p.183), on apprend que le titre (provisoire) " tout au long de la rédaction " était
Typologie
de l'incendie du Hilton, et qu'il avait été tenté aussi : Nouveau monde).
En réfléchissant à mon tour aux incendies dans la peinture, je pense tout de suite à Turner.
Toute peinture de Turner est un incendie. N'importe laquelle de ses peintures, qu'elle représente un coucher de soleil, une ville, un train, la mer,
la cinquième plaie d'Egypte,
une tempête de neige, ou n'importe quel ciel, montre un incendie, même s'il n'existe pas dans le sujet.
C'est donc un juste titre que celui du livre d'Olivier Meslay
dans la collection découvertes chez Gallimard.
Pour revenir à l'incendie du Hilton, Turner a peint un célèbre incendie londonien autre que " le grand " de septembre 1666,
et auquel il assista le 16 octobre 1834 :
celui des Chambres du Parlement situées dans le palais de Westminster, et où il s'intéresse d'ailleurs plus à la représentation de la lumière
qu'à l'évènement lui-même qui n'est pas plus
le "sujet " de ses peintures que l'incendie du Hilton n'est celui du livre de François Bon. |
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Le 22 novembre 2008, le Hilton de Montréal n'a pas brûlé, par contre le Parlement y a bien brûlé
le 25 avril 1849 ,
et là, contrairement à celui du Hilton, qui enterre ses salons du livre au sous-sol,
plus de 25.000 livres et documents, y furent détruits. Ironie du sort, la nouvelle bibliothèque à peine reconstruite brûlera à son tour le 1er février 1854 ! Si personne n'a peint
l'incendie du Hilton, Joseph Légaré a fait une toile qui est devenue maintenant l'icone de cet évènement
et que l'on peut toujours voir au Musée McCord situé en plein centre de Montréal.
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Si Londres a eu son Grand Incendie le 2 septembre 1666, Montréal a eu le sien le 17 juin 1721,
où la moitié de la ville fut détruite, ce qui amena Michel Bégon (Chevalier seigneur de La Picardiere,
Murbelin et autres Lieux, Conseiller du Roy en ses Conseils et au Parlement de Metz, Intendant de Justice, Police et finances en
la Nouvelle France) à interdire la construction des maisons en bois,
obligea les bourgeois à posséder
chez eux un seau, une hache et une échelle !
Ce qui n'empêcha pas un autre incendie terrible en 1834, célèbre pour le procès qui s'en suivit,
avec la condamnation de Marie-Josèphe dite Angélique, esclave noire
abandonnée par son amant blanc Claude Thibault, sur la
seule déclaration tardive et mystérieuse d'une enfant de 5 ans, obligée d'admettre son crime sous la torture, et exécutée publiquement
le 21 juin 1734 ! (lire l'excellent dossier sur cette
incroyable affaire ) |
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Mais je m'égare, dans l'incendie du Hilton, François Bon ne nous raconte
pas un incendie, qui de toute façon n'a pas eu lieu, et qui au plus qui ne fut qu'une alerte comme une autre, au coeur de la nuit, un jour, à Montréal.
Et pourtant, pendant le temps de cette alerte, qui ne dure que le temps de sa lecture, on a l'impression que dans le rien décrit il passe " quelque chose ".
Qu'est-il donc passé dans la tête d'un client du Hilton pendant ces quatre heures passées dehors ?
Je me demande aussi ce que s'est passé et m'a traversé pendant les quatre heures de lecture d'un livre sur l'incendie du Hilton qui ne brûlait pas.
Cela mériterait bien un livre aussi, et que je n'écrirai sans doute jamais bien sûr, car il s'agit du monde, qui est, comme me le rappelle mon ami Christian Dufourquet,
et nous le savons tous, ce qui ne nous convient pas.
Quoique, à la limite...
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