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En même temps que le Hilton, à l'autre bout du pays une cabane brûle encore...
Dans les quelques heures de la nuit de l'incendie du Hilton on a vu hier que François Bon avait rencontré, en attendant l'ordre de réintégrer les chambres, les frères Rolin, dont l'un (Jean) revenait de l'île d'Anticosti, pour un reportage commandé par une revue française. Mais au cours de ces quelques heures tièdes pour l'hôtel (où il n'y a pas eu de véritable incendie), mais froides dehors, ils eurent l'occasion aussi d'évoquer brièvement Malcom Lowry et son séjour canadien : " Je compris vaguement que les deux Rolin évoquaient la cabane de Malcom Lowry, qu'ils l'avaient chacun visitée, mais à plusieurs années d'intervalle. Non j'ai répondu, je n'y suis pas allé encore." (p.128) Il y revient dans le carnet qui constitue le dernier chapitre du livre, et dont j'ai déjà dit ce que j'en pense, dans une note concernant les incendies en littérature où il cite Le Grand Incendie de Londres (grand tableau d'un inconnu peint en 1666), et des scènes d'incendies écrites par Dostoïeski et Tolstoï. Mais il revient sur Malcolm Lowry : " Une des versions d'Au-dessous du volcan, de Malcolm Lowry, a brûlé dans l'incendie de sa cabane, à Dollarpoint, tout au bout du continent où nous débarquions : l'image du manuscrit disparaissant dans les flammes est peut-être plus forte, au moment d'écrire, ce livre commencé, que celle de l'incendie lui-même." (p.153) Il semblerait en fait que le manuscrit n'a pas brûlé cette fois-ci, mais cette évocation est intéressante car Anticosti et Dollarton (et non pas Dollapoint comme on le lit dans le livre) se trouvent exactement à l'opposé du Canada. Du côté Ouest, c'est assez compliqué, et pour un éventuel futur visiteur (appelons-le FB par exemple,) je peux expliquer.
La grande île s'appelle l'île de Vancouver, 3ème ville du canada et capitale économique de la province Colombie-Britannique même si la vraie capitale est Victoria, à l'extrémité Sud-Est de l'île. Si vous suivez, vous avez compris que Vancouver n'est pas sur l'île de Vancouver. Avant d'aller à Dollarton, il me faut parler puisqu'on est dans le coin, de l'île de Gabriola, car les connaisseurs de Lowry
savent qu'un de ses livres postumes
(son dernier écrit, publié en 1970 à New york, traduction française en 1972) s'appelle En route vers l'île Gabriela (October ferry to Gabriola),
inspiré par l'incendie de sa cabane de Dollarton justement.("
Ethan et Jacqueline viennent de perdre leur maison sur la côte canadienne... Absolument rien que cendres...Toujours debout, pétrifiés, prunelles écarquillées,
contemplant la maison là où ne se trouvait plus nulle maison, contemplant l'intérieur,
le gracieux fantasme encore non enfui de l'escalier et des rampes polies, s'aimant à la folie, se déchirant, ils décident de partir vers l'île de Gabriola"...)
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On sait que dans sa vie tumultueuse, c'est un épisode célèbre, Lowry a habité avec Margerie Bonner, sa femme,dans une cabane au bord d'un bras du Pacifique
(bras Nord d'une sorte de fjord appelé Burrad Inlet), près
de Vancouver à Dollarton, entre 1940-41 et 1944-45. Vous avez compris, si vous êtes nostalgique ou du genre à faire des pélerinages (j'en suis), qu'il n'y a plus rien
à voir là puisque la cabane a brûlé (l'histoire du manuscrit d'Au-dessous du volcan est incroyable car comporte nombreux rebondissements et réécritures...)
Dollarton se situe dans le quartier Nord de Vancouver. Pour y aller c'est simple, c'est dans la partie de Vancouvert/Nord : Dans un texte d'Olivier Rolin, (Littérature, politique chez Publie.net) on peut lire ses indications
et ses impressions :
("Enfin, j’avais fini par repérer le lieu sur une carte. Pour s’y rendre, il fallait franchir le Burrard inlet, le bras de mer séparant Downtown de North Vancouver,
par L’Ironworkers Memorial bridge. Des essaims de petits hydravions vrombissaient, allant et venant entre la ville et Victoria ou Nanaimo, sur l’île de Vancouver. Au bout du pont
il fallait tourner à droite, vers Roche Point, puis, après un petit supermarché, continuer à pied à travers Cates Park. La pluie n’y allait pas de main morte. Des sentiers s’enfonçaient sous des arbres hauts comme des piliers de cathédrales, cèdres noirs, pins « verts comme des tessons de bouteille », érables sang et or,
troncs moussus, ruisselants : paysage de rain forest souvent décrit dans les Poésies, dans Gabriola, et qui est aussi le motif obsédant des tableaux d’Emily Carr.")
en fait c'est pas compliqué : ..
Il reste aujourd'hui l'ambiance, le sentier Malcolm Lowry, et ces lieux décrits dans ses livres, cette plage
où lui et sa femme se promenaient et baignaient souvent dans l'eau glacée.
Olivier Rolin continue : "Vissée à un rocher, une plaque de bronze le disait : MALCOLM LOWRY, AUTHOR, LIVED WITH HIS WIFE
IN A SQUATTER SHACK NEAR THIS PLACE, 1940-1954. Malcolm et Margerie squattaient une cabane au bord du fjord, avec sa jetée de bois, construite de leurs
mains, qui permettait de fréquentes purifications-baptêmes dans l’eau glacée : « Ethan plongea,
cheville foulée et tout, Jacqueline le suivit dans la vaste roue turquoise. Ils en émergèrent rénovés. Nés une nouvelle fois.
Pour cinq minutes au moins.»
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Mais les choses sont plus compliquées comme toujours. Le séjour de Malcolm Lowry a Dollarton s'est fait en plusieurs épisodes.
Par exemple, on parle toujours de son squat ou de sa cabane. En fait,
il en a habité plusieurs. Ce dont il fut le plus fier c'est d'avoir construit lui-même dans l'une
une jetée qui allait jusque sur l'eau et d'où il pouvait plonger. (La première cabane fut louée 15 dollars par mois. Ils achetèrent la seconde 100 dollars l'année suivante.)
Les photos suivantes, plus rares, montrent sa vie sur ce bout de plage,
où il aimait nager et prendre le soleil. La photo qui m'émeut le plus est celle où on voit Margerie poser dans l'entrabaillement de la porte (3ème cabane)
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Bien sûr tout le monde est sensible à ces images. Elles rappellent Thoreau, et appellent à notre rêve (notre Eve) de vivre
intégré à la nature et retrouver le jardin d'Eden...
Nous avons tous un Dollarton en nous. Mais le serpent sera toujours là et nous savons qu'un jour on regardera tout brûler, comme Malcolm Lowry, les feux de la raffinerie SHELL dans notre dos, juste là, de l'autre côté de l'eau. l'incendie du Hilton, permet de nous le rappeler. | |||