| 2004 |  |
 |
JOURNAL DE JEAN CLAUDE BOURDAIS The Nogent le Rotrou Times ou Bourdaily on the Web |
|||||||||
| 2005 |  |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
| 2006 |  |
 |
||||||||||
| Pages originales - Tableaux choisis - Peintures de chiens - L'Atelier de Bazille - Saint-Simon - Portraits de Rabelais - Lectures - Femmes d'Alger ... de Delacroix- - André Mare - Raymond Hains - Émile Friant - Joséphine Nivison H - Antoine Chintreuil - Lavinia Fontana - Camille Gaté - | ||||||||||||
| jeudi 12 janvier 2006 | dernière page | Avant dernière page |
| Soirée réservée Même mon frère Jacky, Inspecteur Général, m'avait laissé un message sur mon répondeur : - Tu sais que ce soir il y a sur Arte un film qu'a fait ton ami François Bon...? " Bien sûr que je le savais. J'avais déjà lu d'ailleurs trop sur ce film avant de le voir, et j'avais réservé ce créneau horaire  À la fois : je n'ai rien à dire d'original. . le film de François Bon et Fabrice Cazeneuve traite bien son sujet annoncé : les élèves au bord de leur vie d'adulte, qui réalisent ou se questionnent, voire pour certains angoissent, sur ce qu'ils vont faire comme métier, et quelle place ils vont avoir dans la société (ou que celle-ci leur offre ou pas). Film qui est d'un côté réconfortant : ces jeunes ne sont pas dupes, peuvent dire si on les écoute, si on les laisse parler... Ils pressentent beaucoup que cela ne va pas être forcément facile ni donné. Film constat à un moment donné, à un endroit donné. Où l'on s'aperçoit que les mots sont indispensables pour dire, qu'ils peuvent dire même plus entre les lignes, que les silences ou les non-dits aussi parlent. À la fois : je ne reconnais pas mes gamins ni de la Zep, ni ceux de l'autre collège. Certes, on dit bien qu'il s'agit de la région parisienne...pas du Perche. Ceux du film, en atelier d'écriture, dans la cour de récréation, ou face à la réalité d'un apprentissage professionnel, au bord de la vie... ceux-là s'expriment et parlent avec des mots...ou des silences. Les miens sont encore au collège, donc plus jeunes. Ce qui m'y fait peur c'est justement le grand nombre qui est incapable de faire une phrase construite, qui ne dispose que d'une centaine de mots, de verbes encore moins et qu'ils ne savent pas conjuguer. Ceux qui ne travaillent pas, n'apprennent pas leurs cours, froissent la copie, rageurs, dès que je leur rends, me lancent des boulettes de papier, des bouts de pain, me parlent parfois comme à un chien et n'arrêtent pas de perturber le cours. Ceux qui n'arrêtent pas de parler en cours, et qui me répondent mécontents et l'air indigné : - Je ne parlais pas. ou : - y'a pas que moi qui parle, alors pourquoi vous me le dites à moi ? Ceux à qui je demande de s'asseoir, qui s'assoient et disent : - Je n'étais pas debout, vous voyez bien, je suis assis. Ceux qui, quand je regarde la classe, m'apostrophent d'un ton agressif : - Pourquoi vous me regardez moi ? En regardant le film de ce soir, je ne pouvais m'empêcher de penser cinéma, documentaire, témoignage etc. Venez filmer mes classes. Ce que vous filmeriez n'est pas la réalité de ce que je vis comme enseignant. Vous ne filmeriez pas les élèves qui me lancent des boulettes dès que je tourne le dos pour écrire ou dessiner au tableau, parce que tout simplement, devant une caméra, un caméraman et un preneur de son, ils ne le feraient pas. Vous pourriez filmer, oui comme vous l'avez fait, un élève qui s'est endormi, fatigué, sur sa table. Ça m'arrive, et je le laisse dormir aussi. Vous ne les filmeriez pas en train de se lancer des ciseaux des pots de colle ou des boulettes de papier ou des morceaux de gomme dès que j'écris au tableau, parce que devant vous ils ne le feraient pas, comme devant moi, quand je leur fais face, ils ne le font pas (encore). Mais vous ne filmeriez pas l'élève qui fait une photo au flash quand j'écris au tableau. Vous ne filmeriez pas les élèves qui crient au scandale quand j'arrête le cours et demande qui a pris une photo, ni la fille qui me dit presque carrément que je suis dingue de demander ça (rires de la classe), parce que ce sont les néons qui déconnent (alors qu'ils sont tous éteints). Car devant une caméra un élève n'aurait pas sorti son appareil à photo, son portable ou sa petite caméra numérique. Venez dans les couloirs et filmez : vous ne filmerez pas les élèves qui passent et donnent des coups de pieds rageurs dans les portes. Parce que devant une caméra ils ne donnent pas de coups de pied dans les portes. Je n'ai jamais vu un film qui dit et raconte ce qui se passe dans un de mes cours... Il faudrait plusieurs caméras cachées...et analyser ce que chaque élève fait pendant une heure, dit à son voisin, ses faits et gestes etc.... C'est bien sûr interdit et impossible. Vous vous rendez-compte ! Ce serait un scandale. Filmer des élèves à leur insu ! quelle inquisition ! Le film que j'ai vu ce soir est un constat. Il laisse la parole aux élèves. C'est bien la moindre des choses et c'est bien ce que l'on attendait de la part de François Bon dont on connaît l'engagement dans ses ateliers d'écriture. Mais au niveau de mes deux collèges je peux témoigner que certains de mes élèves aussi se tracassent pour leur avenir, mais pas tous, certains de mes élèves aussi sont sympas dans la cour ou en ville quand je les croise mais pas tous. J'aimerais bien voir un film un jour sur les élèves, tels qu'ils sont beaucoup en classe, depuis un certain temps, mal élevés, sans respect de rien, et qui sont fiers de ne rien faire, d'avoir des notes dérisoires, de faire rire leurs copains avec des grossièretés, qui se parlent entre eux avec un vocabulaire ordurier, complètement incultes, sans autres références que celle de leur médias débilisants, incapables d'accrocher leur attention plus de cinq minutes sur quelque document que ce soit (écrit, audio, vidéo), incapables de dire ou d'écrire une phrase correcte. J'aimerais bien voir un film qui montrerait pourquoi après 30 ans formidables, aujourd'hui à 55 ans je peine et j'ai de la peine, de ne toujours savoir quoi faire, de me sentir souvent seul, qui montrerait aussi que je ne suis pas un salaud et que j'aimais aussi les gamins... que je voulais leur bien, que je voulais bien faire, et qu'aujourd'hui je doute et ai peur de ne plus être à la hauteur, incapable de comprendre pourquoi ils ne veulent pas accepter ce que je voudrais leur donner, incapable de leur donner ce qu'ils voudraient (ne plus écrire, ça fatigue; ne plus apprendre une leçon, ça demande trop de temps; écrire correctement les mots scientifiques, ça sert à rien du moment qu'on comprend; (regardez les sms); apprendre à écrire, à parler, à dire...ç'est tout sur Internet et on fait copier-coller monsieur; etc.) ... Bien sûr, il reste encore et aussi de bons élèves, agréables, travailleurs, intelligents et qui seront des gens " bien " plus tard, qui savent ce qu'ils veulent faire plus tard, et qui aiment le travail bien fait, souvent en accord avec leur milieu familial bien sûr... Bien sûr que tout n'est pas noir, qu'un élève n'est jamais fichu d'avance, qu'il suffit souvent d'un déclic, d'une motivation pour qu'il change d'attitude... Au moins ce film me laisse espérer qu'un peu plus tard, quand la vie est là et frappe à la porte, les choses s'améliorent... mais là encore, on peut se poser des questions, car il semble évident que ce qui est réservé ou attend beaucoup d'entre eux, ne sera pas à la hauteur de leur espoirs, |
| et que ça va être dur...la vie. |