Mardi 11 et mercredi 12 octobre 2005 Hier Avant hier
À la recherche des Femmes d'Alger dans leur appartement...(Delacroix 10.)
Les autres femmes d'Alger, 1.
Renato Guttuso, célèbre peintre italien (en fait Sicilien né en 1911 à Bagheria)et communiste très militant contre le fascisme a fréquenté et bien connu Picasso dont il était un ami. Dans la revue de gauche Il Contemporaneo, il publia en 1958 des extraits de son journal concernant l'Algérie. À cette époque il faisait beaucoup de croquis préparatoires pour un tableau qu'il préparait sur les atrocités qui s'y passaient mais aussi beaucoup de dessins inspirés du tableau de Delacroix, femmes d'Alger dans leur appartement.
On trouve dans un compte-rendu de Michel Guilloux, dans l'humanité du 19 mai 1993, d'une exposition faite pour commémorer le bicentenaire du Louvre et intitulée " Copier-coller " dont l'extrait suivant confirme ces travaux de Guttuso sur le tableau de Delacroix : " L’histoire de l’art s’est aussi façonnée par les réinterprétations successives d’artistes trouvant leur place au Louvre et servant à leur tour de relais pour les générations suivantes. Delacroix est l’exemple ici retenu dans deux salles. Dans la première sont accrochées ses travaux d’après « la Mise au tombeau » de Titien, Rembrandt ou une « Naïade » d’après « le Débarquement ». Dans la seconde, quatre toiles d’Adolphe Cals, Anselm Feuerbach, Edouard Manet et Paul Cézanne d’après sa « Barque de Dante ». Son attachement à la liberté (voir la fameuse « Liberté sur les barricades » ou « les Massacres de Scio ») lui vaut un intérêt par-delà les décennies. Ses « Femmes d’Alger » sont reprises en 1958 par Guttuso. Un « détail » supplémentaire apparaît : l’une d’entre elles pleure." Vous imaginez ma surprise, mais aussi ma déception : depuis deux semaines, j'ai tout fait, cherché partout : impossible d'en trouver une reproduction !
Je me demande bien quelle femme il fait pleurer !
mais j'ai donc pu découvrir aussi cette oeuvre plus qu'intéressante et surprenante. Pour ceux qui veulent l'approcher on peut commencer par le site qui lui est consacré par une association qui cherche à faire le catalogue de son oeuvre.
Les références à la peinture sont nombreuses dans son oeuvre :
- Dans Boogie-Woogie, 1953-54, on voit des jeunes gens qui dansent devant une toile de Mondrian qui porte le même titre,
- dans La plage, 1955-56, on distingue Picasso parmi les estivants vautrés au soleil,
- dans Le café Gréco, 1976, on voit Giorgio de Chirico assis parmi les clients,
- dans Van Gogh présente son oreille au bordel d'Arles, 1978, on voit bien sûr de jolies femmes...
- dans Persistance de la métaphysique, 1972, on voit des ready made de Duchamp et le fer à repasser de Man Ray devant une bibliothèque de livres sans titres, où le célèbre gant de Giorgio de Chirico est suspendu comme un talisman...
Le café Gréco, 1976 Van Gogh présente son oreille au bordel d'Arles, 1978
J'avoue que j'aimerais bien voir sa version de Femmes d'Alger...mais impossible jusque-là de trouver une reproduction, ni même de savoir où il est !
Entre 1962 et 1964, Roy Lichtenstein était directement inspiré par Picasso.
Lichtenstein, femme dans un fauteuil, 1963 Lichtenstein, femme au chapeau à fleur, 1963 C'était presque parfois à la limite du simple copiage ou du plagiat. Aussi quand il peint Femme d'Alger en 1963, il devance les critiques et fait une déclaration pour couper l'herbe sous le pied de ses détracteurs :
"Picasso a fait Femme d'Alger à partir de la peinture de Delacroix, et bien moi je fais femme d'Alger à partir de la sienne !"
On ne sait pas bien ce qu'en pensait Picasso, mais les tableaux sont là :
Picasso
Femmes d'Alger
6 février 1955.
Lichtenstein
Femme d'Alger
1963.
Femme d'Alger de Lichtenstein,
la seule reproduction en couleur à ma connaissance (filmé à Beaubourg!)
C'est vrai quand même que Lichtenstein ne s'est pas trop forcé...
Si la Fondation Roy Lichtenstein, milliardaire sans doute quand on voit son site très classe, ça c'est du java, me demande des droits de reproduction (quand on voit ce qui est arrivé à Philippe de Jonckheere), je dirais : " Lichtenstein à piqué ça à Picasso, et bien moi j'ai piqué ça à Lichtenstein !".
A noter que c'est la même année, 1963, qu'il faisait la célèbre litho CRACK, exposée chez Castelli, et de laquelle, pour un tirage de 300 exemplaires supplémentaires, Lichtenstein enleva aussitôt le texte du bas... Avec ce texte là, elle est donc très rare et coûte la peau des fesses.