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Allez vous faire tirer le portrait...
Par Laurent Bahanag. C'est à la galerie In Situ de Nogent-Le-Rotrou.
Ça, c'est le côté "participation".
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Je précise : ce n'est pas obligatoire. Ce n'est qu'une proposition de l'artiste.Dans les faits, un petit succès, au moins une quinzaine de personnes se sont assises sur la chaise rouge.
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Il y a bien sûr dans les deux pièces de la galerie une exposition, sous-titrée De la pénombre à la lumière, constituée par
un accrochage de travaux de l'artiste, exclusivement de toiles, de pas trop grande taille en général, et qui sont des portraits ou disons-le de têtes.La technique est mixte : encre, acrylique, pastel à l'huile et feutre. Le fond est toujours uni et lisse : gris, blanc, ou noir. Les couleurs dominantes des portraits sont le noir, le rouge, le blanc, le gris.
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En entrant, beaucoup de gens doivent penser à Bacon.
Ça doit énerver le peintre et il doit en avoir marre qu'on lui dise ça. Il faut dire que Bacon est très connu, même à Nogent-Le-Rotrou.Il a raison. Si on regarde bien et de près, sa peinture n'a rien à voir avec celle de Françis Bacon. Juste par exemples : chez Bacon les chairs et les visages sont déformées, les bouches non bâillonnées, les corps sont en situation dans l'espace, ne serait-ce parfois qu'avec quelques lignes. Ce n'est pas le cas chez Laurent Bahanag (sauf dans le tableau que ces deux personnes regardent) dans l'exposition proposée ici par Label Friche. Laurent Bahanag, peintre français (ancré à Saint-Nazaire) d'origine camerounaise et qui expose depuis une dizaine d'années (Paris, Beauvais, Lyon, Saint Germain en Laye, Cherbourg...) (voir les Souvenirs d'expos sur son site), déclare modestement : "Je peins ce que je peux mais pas ce que je veux. De ce dilemme naissent des personnages sans âge. A travers eux ma part d’ombre s’éveille du tréfond de ma conscience. Peindre préfigure un exutoire, synonyme d’allégresse ou de tristesse, sans aucun message, tout en m’aidant à chasser les démons ou à libérer les anges de mon esprit dans une quête intangible mais salvatrice." Les visages exposés peuvent impressionner. Personnellement je suis surtout touché (intrigué ?) par leur regard. La pensée ou le ressenti personnels qu'on ne peut s'empêcher d'y "plaquer", mais qui ne sont pas dits, font se demander s'ils portent un message et lequel. Yeux grands ouverts , mais sur quoi ? Le regard des trois tableaux déjà aperçus :
Au voyeur que nous sommes tous d'y voir donc chacun ce qu'il a choisi (ou lui fait plaisir) ! Même si Catherine Plassart, chroniqueuse du web magazine Art Point France Info affirme au contraire que : "la peinture de Laurent Bahanag est celle d’un artiste profondément marqué par la souffrance. Il peint l'inquiétude ou la stupeur de l’homme face à sa destinée d’éternelle proie dans un univers sans narration. Ici, les tourments, les espoirs, les fantasmes, ne peuvent se dire. Bâillonnés les personnages paraissent étouffés un cri de douleur et d'angoisse. L'intensité émotionnelle de leurs regards suggère des visions vertigineuses en relation avec des réalités brutales et terribles." Je la trouve assez légère et un peu catastrophiste, ce qui est certes à la mode par ces temps de crise. Par sa technique et ses fonds lisses, les peintures de Laurent Bahanag ne sont pas si "lourdes" ni "noires" que cela, et plus important, peut-être pas si figuratives que cela non plus. Si on les cherche, les couleurs sont là, ainsi qu'un certain côté abstrait. Il suffit de s'approcher, et retrouver ses gestes. Exemples de détails (toujours sur ces mêmes trois tableaux) :
Je ne suis pas sûr que le rouge et le noir soient ici les couleurs du sang, du désespoir. Je crois l'artiste quand il dit qu'il peint non pas ce qu'il veut mais ce qu'il peut. Peut-être parfois préfère-t-il tout simplement couvrir la bouche pour ne pas avoir à la peindre et utilise-t-il le rouge comme une couleur de vie et d'énergie. J'aimerais bien rencontrer Catherine Plassart, elle écrit bien : Dépourvus d'innocence et d'illusion, ils sont seuls. Le drame les dépasse. Un malaise s'installe. Une conscience lance un appel dénonciateur, condamnation de la violence et du mal. Je préfère ce que dit le peintre : "Peindre préfigure un exutoire, synonyme d’allégresse ou de tristesse, sans aucun message, tout en m’aidant à chasser les démons ou à libérer les anges de mon esprit [...]" Quelque chose m'a intrigué : le nombre qui figure encadré sur ses tableaux. Numérotage ? (pas possible qu'il ait déjà fait 61013 tableaux ! ) Code secret ? Mémento ? C'est peut-être sans intérêt mais c'est ce genre de choses que je ne comprends pas qui me plaît.
Si certaines personnes sensibles ont peur de voir quelque chose de noir ou de démoralisant, qu'ils regardent la tête des visiteurs ce soir là. La peinture de Laurent Bahanag ne semble pas les avoir abattus ni désespérés. Passez donc de la pénombre à la lumière. |