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février 2005
samedi 20 novembre 2004.
Comment dire ou écrire , mettre en scène ou en page, quelque chose de sa journée, de sa vie ?
Que faire d'autre que d'essayer, de continuer...ou d'arrêter ?
Que choisir, si cela peut être un choix, entre la tentative, le silence, le détournement, la dérision, l'abattement, la résignation, la faiblesse, la résistance...
Toute journée contient toutes les autres déjà vécues, et sans doute celles à venir,
rêvassée ou imaginée, bien vécue ou mal vécue, elle n'existe que par l'énergie qui l'anime et les mots qui nous traversent, construction aléatoire issue d'une histoire dont le sens nous échappe, simple point de vue images du monde...
Que faire si ce jeu-là ne nous intéresse pas ?

Ce journal est un journal écrit toujours tard, la nuit.
Cela changerait-il quelque chose que je le fasse le matin, tôt au lever du jour ?

Le sommeil ayant effacé l'ardoise de la veille, peut-être que la page serait différente.

Café devant le spectacle du marché, derrière la vitre du Lion d'or, avec Joëlle C. qui vient d'arriver et retrouver un pays qu'elle connaît déjà et qu'elle a choisi pour fuir Paris, changer, continuer...
Je ne connais pas son histoire.
Il fait froid et gris. Evocation d'Antarane, notre amie commune et intermédiaire...
Déjeuner à la pizzaria du coin, avec un vin italien que le patron nous dit "nouveau" comme le Beaujolais.
Joëlle m'a amené une merveille de Saumur Champigny 1998, du célèbre Domaine Clos Rougeard, des célèbres Frères Foucault (Charly et Nady), de Chacé et qui déchaînent régulièrement la chronique avec leurs déclarations provocatrices ("«Notre vin n'a rien d'extraordinaire, c'est les autres qui ne sont pas à la hauteur.»)Cuvée des Poyeux !


Elle m'explique que l'idée d'une usine de talc dans la réponse de René Char n'a rien d'étonnant puisque son père, Emile Char, avait dirigé la plâtrière de L'Isle-sur-la Sorgue et avait été l'un des administrateurs délégués des Plâtrières de Vaucluse.
Le plâtre et le talc ne sont pas la même chose, mais dans la nuit talismanique Char se souvient de son père : "chaque soir, il rentrait de l'usine les habits saupoudrés de plâtre, avec sa fatigue de moins en moins cachée." Du gypse concassé, broyé, séché, cuit puis déshydraté qu'est le plâtre, au talc (mot d'origine arabe)pailletes naturelles, il n'y avait qu'à associer la poussière et le blanc.
(Philippe De Jonckheere aurait mis sur le mot blanc un lien vers une page, non pas blanche mais DE blanc, comme il le fait pour chaque mot de couleur)

" Réalité quasi sans choix, assaillante, assaillie, qui exténuée se dépose, puis se dresse, se veut fruit de chaos et de soin offert à notre oscillation.
caravane délectable. Ainsi va-t-on.
Soudain nous surprend l'ordre de halte et le signal d'obliquer.
C'est l'ouvrage.
"(La nuit talismanique, René Char, 1972).

Aujourd'hui : ce fut un marché, un atelier, des gens, des souvenirs, une région, une géographie,une invitation, une maison, une table, des discussions...


Un samedi qui sortait de l'ordinaire : du monde avec et autour de moi, des gens en chair et en os plutôt qu'en livres ou légendes, Je me suis laissé emporter sans résister.
Me suis-je laissé surprendre par " l'ordre de halte et le signal d'obliquer " ?
Suis-je resté assez ouvert ou suis-je passé à côté ?
Il ne fut peut-être pas si ordinaire que cela.

Sur le marché, une petite boucherie chevaline avait affiché dans son camion:
" Si vous avez perdu au tiercé, vengez vous : mangez du cheval."
Au repas chez Edouard ce soir, nous étions quatre de la même promotion 1963 de l'Ecole normale d'instituteurs de Chartres, une première pour moi depuis 40 ans.
ce qui faisait bien sûr, par moments, un peu "anciens combattants".
Mais combattants de quoi ou de quelle guerre ?
Personne n'a osé parlé de ses blessures.
Aucun des quatre n'est aujourd'hui instituteur mais sommes restés dans ce qu'on appelle encore l'Education Nationale, ce que chacun interprète à sa manière..

En rentrant presque tard, nous écoutons avec Joëlle,
nos impressions percer la nuit,
j'efface du mur le scandaleux slogan coréen,
je réponds à la question 10
Je trouve facilement une place sur la grande place,
à cette heure froide et désertée.

En arrivant sur l'autre place,
la première chose que je ferais, c'est d'aller voir au pied de la statue qui elle représente, puis j'irais voir sous les arcades s'il y a un bureau de tabac.